vendredi 24 juin 2016

SOUS LES TILLEULS, LES LARMES D'AMOUR !




Vous écoutez une belle chanson d'un film de 1935 de Mohamed Abdelouahab et Najat Ali :    دموع الحب  " Les larmes d'amour"

Quelle était donc l'histoire de ce film ? 

Si vous voulez connaître un film qui a fait pleurer des générations de Marocains dans les années quarante et cinquante, c'est bien celui-là. On peut parler du même phénomène dans les autres pays arabes, car à l'époque, le cinéma égyptien était une espèce de miroir pour les sociétés arabes. Il suffit, pour s'en convaincre, de voir le grand succès pour les nouvelles naissances de l'époque, dans tous les pays arabes, du prénom Abdelouahab .
Il me semble que les étés étaient plus chauds, les hivers plus froids et les printemps plus gais. La jeunesse marocaine de ce temps-là, c'est à dire les grands-parents ou même les arrière grands-parents actuels (que Dieu les protège), n'avait ni internet ni smartphones. Le seul divertissement qui servait de soupape était le cinéma pour voir et vivre ce genre d'histoire. En dehors des cinémas, la radio, il y avait une seule de la rue El Brihi à Rabat, diffusait en boucle les chansons du film. Donc forcément, ce film était le sujet de discussion du moment..
Le cinéma   القناريه ALQANNARIA  à Marrakech ou le cinéma الملكي ROYAL  à Casablanca, et d'autres à travers le Maroc (que sont-ils devenus?), faisaient le plein avec ces films. L'histoire racontée ici est celle d'un amour qui finit tragiquement par le suicide par noyade de l'héroïne de cette histoire. La scène finale du film montre la visite du tombeau de la bien-aimée par le héros qui chante أيها الراقدون تحت التراب "Ô vous qui dormez sous terre...si vous m'entendez". Une chanson bien triste et qui donne de vrais frissons à ceux qui comprennent ces mots....
Une scène de ce film avait été tournée dans le Parc Montsouris à PARIS, en face de la Cité universitaire internationale. Malheureusement, Il me semble que plus personne ne veut voir ça maintenant. C'est du noir et blanc, avec des répliques lentes et des regards qui durent une éternité, mais que  d'émotions et de larmes dans le film et...dans la salle de cinéma aussi.

Maintenant la réalisation de ce film a une histoire et une morale bonne à savoir par les temps qui courent.
Quand on allait au cinéma, au début des années cinquante, on voyait dans le générique initial des films arabes, des noms européens et l'on pensait immédiatement à des techniciens ou des photographes. C'est souvent le cas, mais ici le nom européen est, comme je viens de le découvrir, celui du romancier français qui a écrit cette histoire : Alphonse Karr.

Mostafa Lotfi Al Manfalouti
Mostafa Lotfi Al Manfaloti ( 1876-1925) est un romancier égyptien. Il a fait connaître, en Egypte et dans le monde arabe, quelques œuvres de la littérature française. Il a traduit "Paul et Virginie' de Bernardin de Saint Pierre.
Il a surtout adapté  le roman " Sous les tilleuls" d'Alphonse Karr, pour écrire  ماجدولين . Et Magdeleine est le prénom de l'héroïne dans le roman de Karr.           
 C'est quelques années après la mort d'Al-Manfaloti,  que cette histoire a été portée à l'écran sous le titre   Les larmes d'amour دموع الحب  . 
 Voila donc une histoire née dans la tête d'un romancier français, adaptée par un écrivain égyptien, portée à l'écran par des Egyptiens et montrée au cinéma pour donner de grandes émotions et des larmes au public dans les pays arabes.
Quand on voit des gens d'horizons différents, capables de sentir, de penser et de travailler ensemble, pour nous donner de telles émotions, on se dit qu'il ne peut pas y avoir de place pour la haine.

   
                                                                                                                                                    
                                                                                                                         Abdelmalek Terkemani
 

vendredi 17 juin 2016

EXPÉRIENCE ASTRONOMIQUE AU MAROC: MESURER LE RAYON DE LA TERRE DANS LES GRANDES VILLES MAROCAINES.



Comment les étudiants, les lycéens et le grand public au Maroc

vont calculer  la circonférence et  le rayon de la Terre, le 21 juin 2020




Quand on fait des exposés sur l’astronomie musulmane, du temps de son âge d’or, une des questions qui revient le plus  souvent dans les débats, est la suivante : Est-ce que les Anciens savaient que la Terre était ronde et connaissaient-ils ses dimensions ?
Cette question est tout à fait légitime, car à l’époque les Anciens ne disposaient ni d’avions ni de navettes spatiales comme Hubble pour voir la Terre sous forme d’un globe  et en mesurer les dimensions.

FIG1:  Photo de la Terre avec la lune par Hubble

L’objectif de la présente expérience est non seulement de répondre à ces questions, mais aussi de faire faire dans les lycées et collèges  par les étudiants et élèves marocains,  les mesures qui ont amené les anciens astronomes, il y a plus de 2000 ans, à calculer la circonférence et le rayon de la Terre. Toutefois, ces mesures peuvent être effectuées par le grand public et en dehors des établissements scolaires.
Il s’agit donc d’une initiative qui rassemble les étudiants et les élèves marocains de différentes régions du Maroc, le même jour, autour d’un projet commun visant à calculer la circonférence et le rayon de la Terre à partir de manipulations simples mais pleines d’enseignements mathématique, géographique et historique.

Par quel tour de magie donc, les hommes « plaqués » au sol et sans grands moyens, allaient-ils se former l’image de la Terre comme d’une sphère qui flotte dans l’espace et en calculer les dimensions à l’aide de quelques règles de trigonométrie et de calculs d’angles très simples ? Ces mesures réalisées vont alors servir durant de nombreux siècles pour de multiples applications dont les principales sont la cartographie, la géographie et la navigation maritime. Nous allons suivre les raisonnements effectués, pas à pas, et refaire dans différentes villes marocaines, par nos élèves, les observations et les mesures, et  ensuite les calculs qui donnent la circonférence de la Terre.

Au début, une intuition…
Les anciens savants  pensaient déjà que la Terre n’était pas plate, à partir des constatations suivantes :
·       Les voiles des vaisseaux qui s’éloignent des côtes disparaissent petit à petit sans que ces vaisseaux aient chaviré. De plus, un observateur posté en haut d’une colline verrait ces vaisseaux plus longtemps qu’une personne du bord de la côte. Ce qui prouve une certaine sphérité de la Terre.



·       La hauteur de l’étoile polaire, fixe dans le ciel et dans le prolongement de l’axe des pôles,  varie quand on se déplace du nord au sud.
·       L’ombre projetée de la Terre sur la Lune, à l’origine des croissants de lune que nous observons régulièrement, a une forme d’arc circulaire. Ce phénomène est à la base de notre propre calendrier.
Toutefois, ce sont les travaux d’Ératosthène, un astronome grec moins connu que Pythagore ou Thalès mais tout aussi génial qu’eux, réalisés il y a plus de 2000 ans qui ont conduit au calcul de la circonférence de la Terre. Il s’agit de mesures de l’ombre d’une tige verticale qui ont été faites à Alexandrie, un jour où les rayons du soleil tombent perpendiculairement au sol à Syène (Assouan) en Égypte (en ce temps-là, ce pays était une colonie grecque…).
      Calcul de la circonférence de la Terre
     Comme nous allons le voir, ces calculs sont d’une grande simplicité. Il faut seulement tenir compte de quelques notions de base :
  • ·       A chaque instant donné, les rayons du soleil sont rigoureusement parallèles. Du fait de la grande distance Terre-Soleil, les rayons solaires arrivant sur Dakhla, Agadir, Casablanca ou Paris à un certain moment sont parallèles entre eux.
  • ·       Un méridien est un cercle qui passe par les deux pôles de la Terre. Un parallèle est un cercle parallèle à l’équateur et perpendiculaire à l'axe des pôles (mesure des latitudes).
  • ·       Les calculs sont faits à midi solaire, c’est-à-dire quand le soleil est au plus haut de la journée (à cet instant, il  traverse le plan méridien du lieu de la mesure).
  • Les tropiques sont des cercles terrestres imaginaires sur lesquels les rayons solaires tombent perpendiculairement au sol une fois par an (Cancer au nord et Capricorne au sud) quand le soleil passe sur le méridien du lieu d’observation. Pour le tropique du Cancer situé dans l’hémisphère nord, cela se passe le 21 juin, à midi solaire. Ce tropique passe à environ 30 kilomètres au sud de Dakhla au Maroc. Nous utiliserons cette particularité pour nos mesures. La latitude de ce tropique est de 23°26’
 LE TROPIQUE PASSE A PROXIMITE DE DAKHLA ET ASSOUAN

      Ératosthène avait constaté (des voyageurs lui avaient dit) que le jour du solstice d’été, c’est-à-dire le jour où le soleil est au plus haut dans le ciel, à midi solaire, qui correspond au 21 juin, un bâton planté verticalement dans un puits à Assouan n’a pas d’ombre visible. En d’autres termes, le rayon du soleil au niveau du puits est perpendiculaire au sol et donc son prolongement passera par le centre de la Terre. Le même jour et au même moment, les rayons, parallèles à ceux d’Assouan, faisaient un angle A avec un bâton (gnomon) planté verticalement dans le sol à Alexandrie.

FIG2: RAYONS SOLAIRES UN 21 JUIN A MIDI SOLAIRE A ASSOUAN ET ALEXANDRIE

Si  l’on répète cette expérience sur le trajet entre Assouan et Alexandrie, le même jour à midi solaire, on va constater que l’angle au sommet du bâton s’accroit avec la distance, ce qui indique la courbure de la Terre. C’est à partir de ce simple schéma que la circonférence de la Terre est calculée. En effet, l’angle A=Ɵ au centre de la Terre est égal à l’angle au sommet du gnomon (tige ou bâton) d’Alexandrie, car ces deux angles sont alternes-internes. La tangente de l’angle au sommet du gnomon, donc de A = longueur de l’ombre du gnomon divisée par sa longueur  =  m/L. Une fois l’angle A connu, on voit qu’il correspond à la distance d entre Syène (Assouan) et Alexandrie que l’on connaît (Fig2). On admet que ces deux villes sont situées sur le même méridien.


Un angle de 360 degrés correspond à la circonférence cherchée x de la Terre.
Un angle de A degrés correspond à la distance d entre Assouan et Alexandrie connue
1 degré correspond à  une distance de  d / A
360 degrés correspondent à       x   =    d x 360 /A
           
circonférence de la Terre.
Les travaux menés à Alexandrie ont donné un angle A juste supérieur à 7°, ce qui a conduit à dire que la circonférence de la Terre est égale à 50 fois la distance Assouan-Alexandrie(788 km environ).
Les mathématiciens et les astronomes musulmans, à partir du 8ème siècle, vont perfectionner de telles expériences et inventer « la science des ombres ou des projections » (علم الظلال). C’est grâce aux savants musulmans que ces expériences sont parvenues jusqu’à nous. Leurs travaux trouvaient déjà leur application dans la confection scientifique d’instruments de mesure du temps et d’orientation comme les cadrans solaires et les astrolabes. Ces instruments étaient alors hautement recherchés par les universités européennes pour être étudiés et recopiés. Al Khawarizmi (780-850), inventeur de l’algèbre,  avait calculé, grâce à eux, la distance entre 2 méridiens en Irak et Al Idrissi (1100-1165), le grand géographe marocain , avait dressé  une des plus anciennes cartes du monde habité.


APPLICATION : Mesure de la circonférence de la Terre par les étudiants et les élèves des lycées au Maroc.
L’expérience pour la mesure de la circonférence de la Terre a été faite en Égypte, il y a plus de 2000 ans. Nous allons la refaire au Maroc car la latitude de Dakhla est la même que celle d’Assouan (Syène) et le tropique passe à proximité de ces deux villes. De plus, nous allons pouvoir la faire à partir de n’importe quel point du Maroc le même jour, 21 juin 2020. On peut espérer  des discussions et un échange d’informations sur le résultat obtenu d’un lycée à un autre et d’une ville à une autre. Si la théorie pour cette mesure est enseignée dans quelques très rares lycées, l’expérience proposée à l’échelle de huit villes d’un même pays est, à ma connaissance, unique dans le monde.
L’expérience consiste simplement à planter verticalement  une tige droite et à en mesurer la longueur de l’ombre à midi solaire le dimanche 21 juin 2020.
Mesure de l'ombre d'une règle perpendiculaire au sol. A partir de tgA = m/L, on calcule l'angle A.



On pourra aussi utiliser une simple tige ou encore l’arête verticale d’un mur avec un repère dont on notera l’ombre. Une hauteur de moins de 1 mètre sera suffisante. On s’assurera que le sol est bien horizontal. 
L = longueur de la tige     et       m= longueur de l’ombre de la tige
On calcule l’angle A avec  tg A= m/L . A partir de là, il faut constater que l'angle A au centre de la Terre correspond à l'arc distance entre le lieu de mesure et le tropique soit d. Donc:

1 degré correspond à une longueur d'arc de d/A. Un angle de 360° correspond alors à la circonférence de la Terre   
x =360 x d /A. (d est la distance du lieu d’observation à la ligne du tropique).
Sachant que x = 2πR . Nous avons donc  2πR =  360 x d /A . Donc le rayon de la Terre est :                                                             R = 360 x d/2π A    (d en km et A en degrés)

Les villes proposées pour effectuer ces mesures sont : Agadir, Casablanca, Fès, Laayoune, Marrakech, Oujda, Rabat et Tanger. Avec la carte du Maroc (Google maps) on peut avoir les distances d de ces villes à la ligne du tropique de latitude 23° 26’, avec l’échelle indiquée.
En fait, on pourra faire cette expérience dans n’importe quel lieu du Maroc. Il faudra alors mesurer à la règle sur la carte la distance d du lieu considéré à la ligne du tropique et par une simple règle de proportionnalité obtenir la distance en kilomètres. 
Notes et explications :
·       Pourquoi faire ces mesures le 21 juin ?
Parce que durant  cette journée les rayons solaires  sont perpendiculaires au sol le long de la ligne du tropique quand le soleil est au zénith, c’est-à-dire à midi solaire. Ces rayons passent alors par le centre de la Terre. Les mesures faites ce jour dans les villes marocaines, vont donner un angle A qui est de plus en plus grand quand on va de Laayoune à Tanger.
·       Le tropique, une ligne imaginaire de latitude 23°26’, passe tout près de Dakhla (latitude 23°45’). Les villes retenues ne sont pas sur le même méridien que celui de Dakhla et pour éviter cette difficulté, on trace la ligne du tropique et la distance d sera celle de chaque ville à cette ligne (fig 5).
·       Comment connaitre midi solaire ? 
C’est l’heure où le soleil est au plus haut dans le ciel, c’est-à-dire quand il traverse le plan méridien du lieu d’observation. Au Maroc, nos montres indiquent la même heure (GMT+1) en juin quel que soit le lieu, mais l’heure solaire est différente d’un lieu à un autre. C’est exactement ce qui explique que durant le mois de Ramadan, la rupture du jeûne a lieu à Casablanca plus tard qu’à Oujda. Les mesures de l’angle A seront faites à midi solaire du lieu considéré. Pour déterminer midi solaire dans un lieu, on repère l’instant de la journée où l’ombre de la tige verticale est la plus petite possible. Si l’on dispose d’une boussole, midi solaire est l’instant où l’ombre de la tige a la direction nord-sud, soit la direction du méridien du lieu. Enfin, une autre indication : quelques instants après le midi solaire dans un lieu, c’est le moment de la prière d’Addohr. Le méridien signifieالزوال.
·       A quelle heure de nos montres correspond le midi solaire dans un lieu ?
Si malgré les indications précédentes, on veut connaître à l’avance l’heure du midi solaire, le tableau suivant donne midi solaire du 21 juin 2020, pour les villes retenues.(Ce calcul se fait par des corrections de longitude et  de l’équation du temps).

C'est donc aux heures indiquées dans ce tableau le 21 juin, que l'on procédera à la mesure de la longueur de l'ombre projetée.


                                                                 
  Fig 4 : Midi solaire dans les villes et distance au tropique du Cancer



On peut donc, à partir de ces éléments, calculer la circonférence et le rayon de la Terre, dans les villes retenues. Il est possible aussi de calculer la latitude du lieu de la mesure.
Qu’allons-nous trouver  comme valeurs pour la circonférence et le rayon de notre Terre le 21 juin 2020 ? 

Les clubs d'astronomie au Maroc sont invités à faire connaître cette expérience:


  • Club IBN AL HAÏTAM  d'astronomie de FES
  • Club Astronomie de MARRAKECH
  • Association d"Astronomie de RABAT
  • Astro Club de KENITRA
  • Club Astro de SALÉ


    Pour toute information, E mail: terkmani@menara.ma




      
    FAITES UNE EXPÉRIENCE UNIQUE: MESUREZ LES DIMENSIONS DE LA TERRE AVEC UNE SIMPLE RÈGLE!


Abdelmalek Terkemani
                                           Expert et chercheur