mercredi 22 octobre 2025

GUERNICA ET GAZA : LA SOLIDARITÉ ENTRE DES VILLES MARTYRES

GUERNICA, 1937                       GAZA, 2025

Un évènement qui a une très forte charge hautement symbolique, aura lieu le 15 novembre 2025 au stade San Mamès de Bilbao en Espagne : Pour la première fois dans l’histoire, la Palestine va disputer une rencontre amicale de football sur le sol européen ! Et cet évènement sera solidaire, car la totalité des recettes sera reversée aux organisations humanitaires présentes dans la ville de Gaza. Trois jours après, la Palestine disputera une autre rencontre amicale en Espagne contre la Catalogne, probablement à Barcelone, le 18 novembre.

Le plus fort de ce symbole est que décision a été prise au cours d’une rencontre entre les présidents de fédérations palestinienne et basque, qui a eu lieu, à l’initiative de la ville de Guernica, le samedi 5 octobre, précisément dans le  Musée de la Paix de cette ville ! Et Guernica est le symbole universel de la lutte contre la violence et l’injustice.

Le président de la Fédération basque de football, Iker Goñi a bien justifié le choix de Guernica : « Dans un lieu comme celui-ci, il est impossible de ne pas se souvenir du 26 avril 1937, quand la barbarie a ravagé la ville et emporté près de 2 000 vies innocentes. La tragédie de Guernica est devenue un symbole universel contre la violence et l'injustice. Aujourd'hui, près de 90 ans plus tard, ce symbole reste vivant et nous interpelle face à la souffrance d'autres peuples. »

Guernica, Picasso

GUERNICA

La ville de Guernica se trouve dans le Pays basque (Espagne), entre San Sebastian et Bilbao. Quand nos compatriotes rentrent ou repartent du Maroc en voiture, en traversant le Pays basque, ils traversent cette région de moyenne montagne bien paisible. Ils ne se doutent pas, peut-être, que la petite ville de Guernica avait été en 1937, le théâtre de bombardements aériens destructeurs de la part de l’Allemagne nazie d’Hitler et de l’Italie fasciste de Mussolini.     

Le lundi 26 avril 1937, 44 avions de la légion Condor allemande nazie et 13 avions de l’Aviation Légionnaire italienne fasciste, vont intervenir, sans aucun avertissement, dans le ciel serin de Guernica pour semer la destruction et la mort, parmi la population civile, sans défense.

L’attaque a eu lieu un lundi, jour du marché, pour faire un maximum de victimes.  60 tonnes de bombes explosives et incendiaires ont été lâchés sur la population civile. L’attaque avait commencé à la mitrailleuse, s’était poursuivie par les bombes explosives et terminée par des bombes incendiaires. Le feu s’était propagé à plus de 70% des habitations.

 Le nombre de morts est estimé à plus de 2000 au cours de la même journée, sur une population de 7000 habitants. Et si l’on considère le nombre de blessés et de brûlés, un habitant sur deux aurait été victime de ces bombardements.

 La raison supposée de cette action était le soutien aux troupes nationalistes du général Franco. Mais c’était surtout, selon les aviateurs allemands et italiens eux-mêmes, pour tester sur une vraie population humaine, l’efficacité des nouvelles armes de ces pays, à l’approche de la guerre qu’ils allaient provoquer : la Deuxième Guerre mondiale !

Ce bombardement a été considéré, en son temps, comme le tout premier raid de l’histoire de l’aviation militaire moderne sur une population civile sans défense, en Europe. 

Historiquement, les bombardements aériens sur des populations civiles ont eu lieu, en dehors de l’Europe, bien avant 1937 : L’armée espagnole coloniale d’Afrique avait procédé à des bombardements avec des armes chimiques, sur des villages et des douars dans le Rif, entre 1921 et 1926. Le général de l’aviation espagnole Hidalgo de Cisneros affirme, dans ses Mémoires, qu’il a été le premier à larguer une bombe de 100 kg de gaz moutarde, de fabrication allemande, sur un village du Rif, en 1924.

 Le bombardement de Guernica a été énormément médiatisé par le tableau de Picasso, ci-dessus, appelé simplement « Guernica ». Ce tableau a été interdit d’exposition en Espagne, tant que Franco était en vie. De nombreuses œuvres littéraires et artistiques ont contribué à cette médiatisation. Depuis,  Guernica est devenue le symbole universel de la Paix. Et c’est cette ville martyrisée en 1937, qui tend une main amicale, au secours d’une ville, Gaza, encore plus martyrisée en 2025 ! 

MUSÉE DE LA PAIX- GUERNICA
   

GAZA OU LE MASSACRE DES INNOCENTS

La bande de Gaza a vécu sous les attaques aériennes depuis deux ans (au moins). Toutes les lignes rouges de la barbarie nazie, vécue à Guernica, ont été franchies dans la bande de Gaza. Les lieux favoris bombardés sont volontairement choisis pour faire un maximum de morts à chaque attaque aérienne : les immeubles d’habitation, les écoles et collèges (avec leurs élèves dedans), les hôpitaux (avec les malades, le personnel soignant dedans), les points de distribution d’eau ou de nourriture, quand de pauvres enfants tendent leur bassine pour ne pas mourir de soif et de faim. Les groupes, visés en priorité pour être éliminés, sont les journalistes, les ambulanciers, les enseignants, les humanitaires…

Les bibliothèques, les musées et les monuments de mémoire palestiniens, culturels et religieux, sont systématiquement détruits pour ne pas garder de traces de l’histoire de la Palestine.  

Les survivants affamés font le tour de la bande de Gaza, à pied pour fuir ces bombardements. Du nord au sud et du sud au nord.

Quand on croit que c’est fini, tout recommence. Et les bombardements des civils continuent avec ou sans cessez-le-feu !

Prenant en compte le nombre d’impacts aériens, des analystes militaires français estimaient en septembre 2024 le nombre de victimes à 120.000. Le nombre de blessés et de handicapés est du même ordre. Depuis ces nombres sont largement dépassés.

Comme le dit le journaliste palestinien, Nabil Sheikh Hassan, depuis la ville de Gaza en ruines, « Il ne s’agit pas ici d’une crise humanitaire mais bien d’un projet d’anéantissement ».

De plus en plus des peuples, en particulier en Europe, et contrairement à leurs gouvernements et à leurs médias, montrent des preuves de dignité humaine et ne veulent pas être complices d’un génocide en cours, en gardant le silence.

Dans ces circonstances, la main tendue de Guernica à Gaza et à la Palestine, est un acte plein de symboles de la solidarité humaine et  doit être vivement apprécié.




Population gazaouie volontairement affamée

LE PRIX NOBEL DE LA PAIX AUX VILLES MARTYRES

Alfred Nobel (1833-1896) était un ingénieur suédois qui avait fait fortune dans l’industrie de la dynamite et des explosifs. Pour se faire pardonner des malheurs causés par les explosifs sur des populations civiles, il avait légué sa fortune pour récompenser par un Prix, des personnes qui auront rendu les plus grands services à l’humanité. Depuis les bénéficiaires peuvent être un groupe de personnes et même des organisations.

Alfred ignorait qu’un jour un génocidaire allait proposer son maître et financier, comme lauréat du Prix Nobel de Paix ! C’est bien le monde qui marche sur la tête !

Pour garder de la crédibilité à cette distinction et rester fidèle à l’esprit d’Alfred Nobel qui voulait se racheter de l’utilisation criminelle des explosifs, il faut avoir avant tout une pensée pour les milliers de femmes, d’enfants, de vieillards et de handicapés victimes innocentes sans défense. Le Prix Nobel de la Paix devrait être attribué à des villes dont la population civile a été décimée par la dynamite et les bombes explosives, y compris atomiques comme Guernica, Gaza, Coventry, Hiroshima, et toutes les autres.

C’est de cette manière, que ce Prix pourra être la confirmation d’une reconnaissance mondiale des crimes et tragédies subis par une population martyre, sur son propre sol. Et c’est le cas présent de Gaza.

Abdelmalek Terkemani