MOHAMMED HASSAN AL JOUNDI |
Je ne connaissais pas Mohammed Hassan
Al Joundi, avant 1953. Durant l’année scolaire 53/54, j’étais en CM2, à l’école
Kaât Benahid, au fin fond de la médina de Marrakech. Notre instituteur était M.
Mahmoud Kbaïli, le directeur d’école était M. Conrad. L'instituteur Kbaïli faisait tout
pour que ses classes aient un taux de réussite maximal aux examens de fin
d’année : Entrée en sixième et Certificat d’études primaires. Ce taux, de
plus de 90%, il en faisait une affaire « patriotique » et voulait
prouver qu’un instituteur marocain valait autant sinon plus qu’un instituteur français. Par exemple,
à l’approche de ces examens, il avait instauré la constitution de groupes de
travail de 3 à 4 élèves qui travailleraient le soir chez un élève du
groupe ! En fin d'après-midi, il faisait le tour des maisons désignées, à vélo, pour aider les groupes de travail. Je n’ai jamais entendu parler d’une telle organisation du
travail de révision, nulle part ailleurs. Et ça marchait !
Un jour, M. Kbaïli nous
annonce : Dimanche prochain, nous partirons en excursion, à Amezmiz, à 60 km de Marrakech. Toute la classe (plus de
35 élèves) est invitée par les parents d’un élève, Omar Benidder (devenu
beaucoup plus tard un haut responsable d’une grande banque à Casablanca).
Trajet Marrakech-Amezmiz |
Beaucoup d’élèves parmi nous n’avaient jamais
quitté Marrakech ou même pris un autocar (j’en faisais partie). Le dimanche
convenu, toute la classe était là à 6 heures du matin, près de Arsat al Bilk,
non loin de la place Jamaa al Fna (c’est mon ami Madani Aït Ouhanni qui m’a
expliqué que Arsat al Bilk veut dire ‘’Jardin public’’). Et c’était parti, direction la montagne, Amezmiz,
au sud de Marrakech. Nous étions tout excités à l’idée de découvrir cette
montagne que nous voyons de la ville, régulièrement enneigée en hiver.
A l’arrivée, nous étions très bien
accueillis par des personnes qui nous
avaient fait visiter Amezmiz. Ensuite,
on nous a conduits à une grande ferme. Nous nous sommes installés sous des
orangers avec des navels qui pendaient, gros comme ça, à portée de main. Personne
ne nous avait interdit d’en cueillir. Après un couscous que mes papilles n’ont
jamais oublié, on nous a conduits dans une pièce immense pour nous servir du
thé. A un moment et sans qu’elle nous soit présentée, une personne s’est mise à
lire des poèmes, d’une voix de stentor qui faisait vibrer les murs. Après les
poèmes, quelqu’un relançait le mouvement : ‘’ Wal Joundi ! dis-nous
maintenant l’histoire de… ‘’. Et comme par miracle, sans notes, c’était parti
avec la même voix, vers d’autres aventures, dans un autre
univers. Parfois, un autre intervenant, il
s’appelait Al Omari, prenait la relève, dans un style humouristique.
L’après-midi s’était poursuivie ainsi jusqu'à la tombée de la nuit.
C’était la première fois que je
voyais Mohammed Hassan Al Joundi. Nous étions subjugués et en même temps curieux
de sa présence à Amezmiz. Ayant
insisté, on avait fini par nous donner
la raison de sa présence, mais à voix basse : le moumattil Al Joundi était
mis en résidence surveillée à Amezmiz,
par les autorités pour le tenir éloigné de
Marrakech, à cause de ses opinions politiques. On l’avait extrait de cette "résidence" pour vous distraire. Après cet épisode, je ne l’ai plus
vu seulement comme un moumattil, mais aussi comme un défenseur de la cause de
mon pays, un "watani", patriote, comme on disait. Nous étions rentrés à Marrakech, à la fin
de cette journée, sans Al Joundi retenu à Amezmiz.
Il faut dire que nous étions en 1953. Mohammed V venait d’être exilé en Corse et ensuite à Madagascar, le 20 aout de cette année. La simple prononciation de son nom, Mohammed Ben Youssef, était passible de prison. La répression s’abattait sur les Marocains, à travers tout le Maroc. Les intellectuels, les chanteurs, les musiciens et les acteurs avaient fait leur choix. Cette catégorie aussi s’était engagée dans la lutte pour le retour du roi Mohammed Ben Youssef et pour l’indépendance du Maroc. Personne n’a oublié la chanson Aoumaloulou de Mohammed Fouiteh, de cette époque, exactement. Dans le contexte du moment, cette chanson qui disait…
سيدي يالغادي بيا بابا يالغادي بيا خويا يالغادي ردني لبلادي
donnait la
chair de poule. Le courageux Fouiteh chantait la tristesse de l'exil de la famille royale et suppliait pour son retour au pays, dans une radio qui interdisait la moindre allusion au Roi exilé. Les censeurs de Radio Maroc n’y a avaient vu que du feu !
Deux ans plus tard, en novembre 1955, Mohammed
Ben Youssef était de retour à Rabat et l’indépendance du Maroc était acquise. Ces victoires n’ont pas été octroyées mais
arrachées grâce à la mobilisation et à la lutte du peule marocain. Le rôle des
artistes marocains dans cette lutte, avec les moyens qu’ils avaient, doit être rappelé
et souligné.
Mohammed Hassan Al Joundi avait 17
ans en 1953.
انا لله وانا اليه راجعون. رحم الله أبطال المغرب
Abdelmalek Terkemani
A écouter et à méditer:
Aoumaloulou par Mohamed Fouiteh
Paroles de Mohamed Fouiteh:
أو مالو لو
تم بكيت أنا
يالغادي بيا سيدي
يالغادي بيا بابا
يالغادي بيا خويا
يالغادي
ردني لبلادي
ما سخيتش بيها
وعييت ما نادي
حطيت الطبيلة سيدي
حطيت الطبيلة بابا
حطيت الطبيلة خويا
حطيت الطبيلة
وحطيت الكيسان
وجاو لبالي
لحباب والعشران
بك ما سخينا سيدي
بك ما سخينا بابا
بك ما سخينا خويا
بك ما سخينا
وترجع لينا
باش عاد تحلى العيشة لينا
شكون طبيبي سيدي
شكون طبيبي خويا
شكون طبيبي بابا
شكون طبيبي
غيرك يا حبيبي
يعرف ما بيا
واشنو في قليبي
آو مالو لو
تم بكيت آنا
Paroles de Mohamed Fouiteh:
أو مالو لو
تم بكيت أنا
يالغادي بيا سيدي
يالغادي بيا بابا
يالغادي بيا خويا
يالغادي
ردني لبلادي
ما سخيتش بيها
وعييت ما نادي
حطيت الطبيلة سيدي
حطيت الطبيلة بابا
حطيت الطبيلة خويا
حطيت الطبيلة
وحطيت الكيسان
وجاو لبالي
لحباب والعشران
بك ما سخينا سيدي
بك ما سخينا بابا
بك ما سخينا خويا
بك ما سخينا
وترجع لينا
باش عاد تحلى العيشة لينا
شكون طبيبي سيدي
شكون طبيبي خويا
شكون طبيبي بابا
شكون طبيبي
غيرك يا حبيبي
يعرف ما بيا
واشنو في قليبي
آو مالو لو
تم بكيت آنا
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