samedi 9 janvier 2021

LE GROUPE MUSICAL CORSE SURGHJENTI REND HOMMAGE AUX SOLDATS MAROCAINS TOMBÉS POUR LA LIBÉRATION DE LA CORSE, EN 1943.

                                                                                

                                                                                

Soldats marocains défilant dans Bastia libérée
                 Octobre 1943.  Soldats marocains défilant dans Bastia libérée 

 

Il y a quelques semaines, j'ai reçu le message suivant du groupe musical corse SURGHJENTI: 

Bonghjornu,

 Voici une chanson du dernier album du groupe corse Surghjenti qui rend hommage aux goumiers marocains qui se sont battus pour la libération de la Corse en 1943. Les paroles sont écrites par le poète bonifacien Alain Dimeglio, enseignant à la faculté de Corte

Bonne écoute

Amicizia

 Jean-Noël Profizi . Surghjenti


( Pour les lecteurs de cet article sur smartphone: on peut écouter la chanson, en affichant Tighjime sur youtube)

J’ai écouté cette très belle chanson de nombreuses fois. J’ai reconnu les mots « Mohamed », « Jellaba », « Inchallah », « Maroca » et « Liberta » et j’ai tout compris. Mon cœur a vibré, quand une voix déchirante de chez nous s’élève de l’Atlas pour accompagner le chœur du groupe corse. C’est une de nos mères qui pleure la mort de son fils…

C’est une mélodie émouvante qui réchauffe le cœur  des familles de ces soldats marocains, tombés dans la guerre mondiale, le coeur de la Communauté marocaine résidant en Corse et celui des Marocains, d’une manière générale. Ce Requiem me fait l’effet d’une accolade fraternelle, de part et d’autre de la Méditerranée, par ces temps tristes que vit l’humanité,  à travers le monde.

DES SOLDATS MAROCAINS POUR LIBÉRER LE SUD DE L’EUROPE

Quels étaient donc les événements qui avaient conduit à l’intervention des soldats marocains dans la Seconde guerre mondiale ? Et quel était le rôle joué par ces soldats "en Jellaba", dans la libération de la Corse ?

En 1942, pour soulager le front de l’URSS au nord-est de l’Europe, les Alliés devaient ouvrir un front en Afrique du Nord pour libérer le sud de l’Europe et prendre en tenaille les armées hitlériennes.Tout commence par le débarquement américain à Casablanca, Safi et Mehdia (Opération Torch) en novembre 1942. À Casablanca, les Américains s’installaient au quartier Californie (d’où le nom de ce quartier) et El Houcine Slaoui chantait « Al maricane ».   

Lors de la Conférence de Casablanca (Anfa) du 14 au 24 janvier 1943, les opérations de débarquement du sud de l’Europe, Sicile, Calabre, Corse…à partir de juillet 1943, vont être  finalisées. Et c’est depuis le Maroc et avec l’apport de dizaines de milliers de soldats marocains que vont être lancées les opérations devant créer le tournant décisif dans la Seconde guerre mondiale.

                                                     

Janvier 1943, Conférence de Casablanca. Assis, le roi Mohammed V, le président Roosevelt et le Premier ministre Churchill. Debout, le futur roi du Maroc, Hassan II. 

Cette photo du roi du Maroc Mohammed V à côté du président des Etats Unis Franklin D. Roosevelt est suffisamment éloquente : Elle montre que dans les circonstances décisives où de grandes résolutions devaient (et doivent) être prises, le Maroc et  les Etats Unis d’Amérique se trouvent toujours rangés du même côté …

LIBÉRATION DE LA CORSE

Le 14 septembre 1943, 6600 soldats de la 4ème division marocaine de montagne de l’Armée d’Afrique, sont débarqués à Ajaccio. Ces troupes de choc, aidées par les résistants corses, vont progresser vers Bastia, sous la protection aérienne de l’United States Army Air Forces américaine et de la Royal Air Force britannique.

 Le port  de Bastia était, en effet, le point d’accès et de retraite des armées allemandes depuis et vers l’Italie en face. L’accès terrestre à Bastia était contrôlé depuis les cols de San Stefano et surtout de Tighjime, lourdement armés par l’armée allemande. La mission des soldats marocains était alors la nécessaire prise de ces cols, avant de pouvoir descendre sur Bastia. Et pour cela, les soldats marocains devaient déloger les éléments de l’armée allemande, du "Panzergrenadier Division SS Reichsführer-SS". La prise du col de San Stefano le 30 septembre 1943 et du col de Tighjime le 3 octobre, après des combats meurtriers, allait ouvrir la route de Bastia. Les soldats marocains allaient payer un très lourd tribut: 81 morts et des centaines blessés pour la seule journée du 3 octobre 1943. A la fin et sous la poussée des troupes marocaines, "en jellaba" !,  les soldats allemands étaient vaincus et s’étaient rendus, pour bénéficier du statut de prisonniers de guerre. Cela n’avait pas été toujours la règle dans ce conflit mondial : l’armée allemande considérait les soldats venus d’Afrique, quand ils étaient capturés, comme ayant peu de valeur d’échange et donc procédait à leur exécution, sans autre forme de procès. Il y a eu de nombreux cas dans les Ardennes françaises, à Chasselay près de Lyon et à Clamecy en France, quand des groupes de tirailleurs sénégalais ont été massacrés par l’armée nazie. 
Avancée des soldats marocains (en jaune)

Le 4 octobre 1943, à 5 heures du matin, les soldats marocains défilaient en vainqueurs, dans Bastia libérée. La Corse devenait alors le premier département français libéré du joug de l’armée nazie. Il faut rappeler ici que le débarquement de Normandie, "opération overlord", n’aura lieu que neuf mois plus tard, le 6 juin 1944.

Les soldats marocains morts dans ces combats pour la libération de la Corse sont enterrés dans la nécropole de Saint-Florent, dite « Cimetière des Tabors marocains ».Une stèle a été érigée au col de Tighjime pour rendre hommage au courage et au sacrifice des soldats marocains qui ont contribué grandement à la libération de la Corse. Voici le texte gravé sur cette stèle :

" Remplis du souvenir d’une lumière unique, leurs yeux sont fermés aux Brumes d’occident. Seigneur, permettez que les durs guerriers de Berbérie qui ont libéré nos foyers et apporté à nos enfants le réconfort de leur sourire se tiennent contre nos épaules et qu’ils sachent, ô qu’ils sachent combien nous les avons aimés".

Ces hauts faits de guerre, parmi tant d’autres en France, en Italie, en Belgique, en Allemagne, en Autriche, ont entrainé des milliers de morts et de blessés marocains. Douze ans plus tard, ces victimes allaient peser, d’une manière décisive, dans les négociations entre le Maroc et la France, en faveur de l’Indépendance du Maroc.


           Stèle du col de Tighjime près de Bastia,  en hommage aux soldats marocains, tombés pour la libération de la Corse. 


Abdelmalek Terkemani

Important: Pour écouter la chanson, afficher Tighjime sur youtube.

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