Astrolabe d'Abû Bakr Ibn Yûsuf exposé au musée Paul-Dupuy à Toulouse |
Jean-Luc
Martinez a été le Président-Directeur du musée du Louvre à Paris. Ce n’est pas
rien ; quand il parlait au nom du Louvre, il semblait avoir le rang de
chef d’Etat dans ses relations avec certains pays arabes (Maroc, Egypte,
Emirats Arabes Unis…).
Le
23 mai dernier, il a été placé en garde à vue par la police française pour
« blanchiment par facilitation
mensongère et complicité d’escroquerie en bande organisée ». Dans le
monde feutré des arts et des musées, cela fait l’effet d’un tremblement de
terre et il y a de quoi car on a dû en sentir les secousses jusqu’à chez nous !!
Car nous connaissons bien Jean-Luc Martinez au Maroc…
De
quoi s’agit-il exactement ? En cause, l’acquisition par le musée Louvre-Abou
Dhabi de plusieurs pièces d’antiquité égyptiennes, dont une stèle en granit
rose gravée au nom du pharaon
Toutânkhamon (actuellement exposée au musée des Emirats) pour une somme globale
de 15,2 millions d’euros. Le problème est que ces pièces ont été pillées lors
des émeutes du Printemps arabe en 2011 et, par la suite, de faux certificats ont été réalisés pour
permettre leur réintroduction dans le circuit légal. Opération qui a permis de
les fourguer au musée des Emirats Arabes Unis. Le Président du Louvre,
responsable de l’authenticité des documents dans cette acquisition, a donné son accord et
donc fermé les yeux (au moins) sur ces faux certificats. L’affaire est
extrêmement grave et les deux musées du Louvre à Paris et à Abou Dhabi se sont constitués
partie civile dans cette affaire, qui va avoir (qui a déjà) des retombées
absolument négatives sur la crédibilité
de tous les musées du monde.
Stèle litigieuse exposée au musée Louvre Abou Dhabi |
Mais
voilà, Jean-Luc Martinez a déjà des antécédents chez nous au Maroc. Quand il
intervient dans les Pays arabes, il se croit en territoire
« exotique » et s’autorise
donc des méthodes « exotiques ». On a dû lui souffler à l’oreille
qu’ici, il peut faire les choses à sa guise, car il n’y a jamais de compte à
rendre. En 2015, pendant que se préparait cette vente de pièces pillées au musée du
Louvre Abou Dhabi, le Louvre Paris organisait, avec la Fondation des Musées du
Maroc, l’exposition « Le Maroc Médiéval ». Cet événement s’était
déroulé pendant cinq mois au musée du Louvre à Paris et pendant sept mois au
musée MMVI à Rabat. Le grand ordonnateur, à coups de milliards (du budget
marocain), était Jean-Luc Martinez.
Ayant
suivi cette exposition aussi bien à Toulouse et Paris qu’à Rabat, j’avais senti
quelque parfum de scandale pendant son déroulement. Tout le long de
l’exposition, j’avais dénoncé, avec force, dans de nombreux articles les méthodes du président
du Louvre et de ses correspondants marocains aussi bien au niveau de l’opacité financière
de l’organisation que du traitement indigne et, pour tout dire innommable,
réservé aux savants astronomes marocains, à Rabat, dans la capitale-même du Maroc !!!.
I. Cette exposition a duré environ une année entre Paris et
Rabat. Au musée du Louvre, 300 pièces ont été exposées. Une grande partie de
ces pièces avaient été prêtées, par d’autres musées français et de par le
monde, contre des montants très importants. Quand on sait que certaines pièces
constituent la principale ressource du musée qui les conserve, on imagine que le
musée qui les prête veuille bien compenser son manque à gagner. C’est le cas de
l’astrolabe d’Abû Bakr Ibn Yûsuf, astronome marocain du 13ème
siècle, qui appartient au musée Paul-Dupuy à Toulouse. On m’a assuré dans ce
musée que les prêts de cet astrolabe marocain à des musées à travers le monde, générait
une partie importante des ressources annuelles du musée. On peut imaginer les
coûts faramineux d’une telle exposition quand on sait que des dizaines de
pièces avaient été prêtées par d’autres musées après des transactions
financières.
Cette
partie financière de l’organisation de l’exposition s’est déroulée dans l’opacité la plus
totale alors qu’il s’agit de l’argent public marocain. Aucune information
financière, de quelque nature que ce soit,
n’a été donnée par les organisateurs. C’est Jean-Luc Martinez, président du Louvre Paris qui négociait les prêts des pièces exposées et
présentait les factures, lesquelles sont réglées par le Maroc, rubis sur
l’ongle. Maintenant que l’ancien président du Louvre est accusé « d’escroquerie en bande organisée » sur des affaires similaires et datant de la même
période que le « Maroc Médiéval », on a le droit de se poser des
questions au Maroc…
II. Pour la même exposition, « Le Maroc
Médiéval », si 300 pièces ont été exposées au Louvre à Paris, seulement 220 le
seront au musée MMVI à Rabat. Qu’est-il advenu des 80 autres pièces ? Le
Maroc a-t-il payé pour des pièces que personne n’a vues à Rabat ? Aucune
information de l’organisation sur ce sujet et circulez, il n’y a rien à voir !! Toujours
est-il que les organisateurs, Jean-Luc Martinez en premier lieu, ont donc
décrété que des pièces sur l’Histoire du Maroc pourraient être montrées au
public français à Paris et doivent être cachées au public marocain à Rabat,
lequel public est, naturellement, le premier concerné par cette Histoire !
III.
Au cours du « Maroc
Médiéval », deux astrolabes fabriqués par des astronomes marocains ont été
exposés. L’un a été fabriqué par Mohamed Ibn Fattouh Al Khamairi à Marrakech ou
à Séville au 13ème siècle. [J’ai découvert par la suite qu’un
astrolabe de cet astronome était exposé dans le Musée de l’Histoire des
Sciences à Oxford, Angleterre et évidemment avec son nom indiqué !!]. L’autre astrolabe a été fabriqué par le savant
astronome marocain, Abû Bakr Ibn Yûsuf et est conservé normalement au musée Paul-Dupuy à Toulouse
(France).
Eh
bien, si ces astrolabes étaient exposés à Paris avec des cartels donnant la
date de fabrication et le nom du facteur d’astrolabe, à Rabat ils ont été
exposés, de manière anonyme ! Les noms de ces savants marocains ont été
effacés. Un acte indigne de hauts responsables de musées et une honte
absolue !!
L’astrolabe
d’Abû Bakr est une pièce fabriquée à Marrakech sous l’ère almohade, en l’an 613
de l’Hégire (1216-1217).
Les
astrolabes fabriqués par Abû Bakr Ibn Yûsuf et exposés dans des musées en Europe sont de
précieux témoins autant sur l’Histoire du Maroc que sur la période faste des
sciences marocaines. Ils font de leur facteur, l’ambassadeur de la culture
marocaine en Europe, depuis de nombreux siècles.
Son
astrolabe de Toulouse a été pris comme modèle de rigueur scientifique et
présenté dans tous ses détails de construction par Raymond D’Hollander (1918-2013).
Ce dernier, polytechnicien et ancien Directeur de l’Ecole des Sciences Géographiques
de Paris, avait réalisé l’ouvrage sur l’astrolabe le plus complet et le plus abouti (Histoire,
Théorie et Pratique). En couverture de cet ouvrage, une photo magnifique de
l’astrolabe d’Abû Bakr.
Dans
tous les musées du monde, en Europe, aux Etats-Unis, au Canada où cet astrolabe
a été exposé, il a été accompagné d’un cartel de présentation portant
l’inscription suivante :
صنعه أبو بكر بن يوسف بمدينة مراكش عمرها الله سنة
Fabriqué par Abû Bakr Ibn Yûsuf dans la ville de Marrakech qu’Allah la rende prospère, en 613 de l’Hégire (1216-1217).
Cette phrase célèbre est gravée en demi-cercle et en lettres coufiques, par Abû Bakr au dos de tous ses astrolabes.
Mais cela est valable dans tous les musées du monde sauf, chez lui au Maroc, à Rabat. Car Jean-Luc Martinez, Président du Louvre Paris et son homologue marocain ont décrété que l’on ne doit pas indiquer le nom d’un savant marocain dans cette exposition au Maroc ! Pourtant la présence des astrolabes des savants marocains Abû Bakr Ibn Yûsuf et Mohamed Ibn Fattouh Al Khamairi est la seule note scientifique dans cette exposition qui devait présenter une période médiévale faste des sciences marocaines et andalouses. Et de plus, le musée du Louvre et son président ont reçu des milliards pour montrer le nom de ces savants marocains aux publics marocain et international. Oui mais voilà, certains ont décidé de dépouiller, impunément, le Maroc de son Histoire et de ses savants.
Concernant ces malversations, j’avais saisi le Ministère de la Culture et la Fondation nationale des musées du Maroc en 2015, pendant que l’exposition se déroulait à Rabat. J’avais également rédigé de nombreux articles sur ces sujets, donnés ci-dessous.
Il n’y a eu aucune réponse officielle à ces demandes, côté
marocain, ce qui est normal. Par contre,
le musée du Louvre (qui a une réputation à défendre), m’a répondu en ligne. L’essentiel de cette réponse était :
…. L’absence du nom des savants marocains dans l’exposition « Le Maroc
Médiéval » à Rabat est un oubli malencontreux [cette réponse est enregistrée dans la Grande
Galerie, le Journal du Louvre du 31/8/2015 à 14 : 12].
Après cette réponse, l’exposition s’était prolongée quelque temps
encore à Rabat sans aucune modification : les noms des deux savants
marocains étaient toujours inexistants.
Comme je le soupçonnais, la réponse du Louvre était donc un gros
mensonge. La volonté et la décision de Jean-Luc Martinez et de son homologue
marocain étaient d’effacer les noms des savants marocains dans cette exposition
comme c’est le cas dans les autres musées du Maroc. D’une certaine manière,
c’est une tentative de falsification de l’histoire du Maroc et de celle de ses
savants. Un acte scandaleux.
Mais maintenant que Jean-Luc Martinez, ancien Président-Directeur du Louvre est accusé « d’escroquerie en bande organisée » pour une vente de pièces pillées en Egypte, organisée à la même époque que l’exposition de Rabat, on pourrait chercher à y voir plus clair sur ce qui s’est passé exactement dans l’organisation bien opaque du « Maroc Médiéval ».
Car ce qui reste comme souvenir de cette exposition, ce sont des milliards dépensés sur le budget de notre pays, et l'organisateur est maintenant accusé "d'escroquerie en bande organisée", dans des affaires similaires. Ce qu'il en reste aussi, c'est que "Le Maroc Médiéval" censé faire la promotion du Maroc et de son Histoire, a surtout fait la négation de ses savants!
En attendant, l’ancien président du Louvre aura à réfléchir dans sa cellule, pour son manque de respect aux pharaons d’Egypte et aux savants du Maroc, à la malédiction de Toutânkhamon et à la vengeance d’Abû Bakr Ibn Yûsuf.
Abdelmalek Terkemani
On peut lire sur ce sujet:
L'oubli d'accompagner les œuvres exposées à Rabat des noms de leurs auteurs marocains peut être aussi un acte prémédité en vue de les vendre ultérieurement, sous d'autres identités, peut-être au musée d'Abu Dhabi ou au Métropolitain de New York. Qui peut le plus peut le moins, avec d'autres complicités.
RépondreSupprimerIl est bien possible qu'on a fait une manipulation machiavélique pour écouler des pièces vers d'autres horizons. Il faut s'attendre à tout. Vous avez raison de citer le Metropolitain de New York qui a été victime de la même filière que le musée des Emirats. Toutefois le musée newyorkais, s'étant rendu compte de l'escroquerie, avait restitué à l'Egypte en 2019, un sarcophage acquis par la même filière.
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