vendredi 10 juin 2022

SCANDALE AU MUSÉE DU LOUVRE PARIS - LA VENGEANCE D’ABÛ BAKR IBN YÛSUF, ASTRONOME MAROCAIN DU 13ème SIECLE


Astrolabe d'Abû Bakr Ibn Yûsuf exposé au musée Paul-Dupuy à Toulouse


Jean-Luc Martinez a été le Président-Directeur du musée du Louvre à Paris. Ce n’est pas rien ; quand il parlait au nom du Louvre, il semblait avoir le rang de chef d’Etat dans ses relations avec certains pays arabes (Maroc, Egypte, Emirats Arabes Unis…).

Le 23 mai dernier, il a été placé en garde à vue par la police française pour « blanchiment  par facilitation mensongère et complicité d’escroquerie en bande organisée ». Dans le monde feutré des arts et des musées, cela fait l’effet d’un tremblement de terre et il y a de quoi car on a dû en sentir les secousses jusqu’à chez nous !! Car nous connaissons bien Jean-Luc Martinez au Maroc…

De quoi s’agit-il exactement ? En cause, l’acquisition par le musée Louvre-Abou Dhabi de plusieurs pièces d’antiquité égyptiennes, dont une stèle en granit rose gravée  au nom du pharaon Toutânkhamon (actuellement exposée au musée des Emirats) pour une somme globale de 15,2 millions d’euros. Le problème est que ces pièces ont été pillées lors des émeutes du Printemps arabe en 2011 et, par la suite,  de faux certificats ont été réalisés pour permettre leur réintroduction dans le circuit légal. Opération qui a permis de les fourguer au musée des Emirats Arabes Unis. Le Président du Louvre, responsable de l’authenticité des documents  dans cette acquisition, a donné son accord et donc fermé les yeux (au moins) sur ces faux certificats. L’affaire est extrêmement grave et les deux musées du Louvre à Paris et à Abou Dhabi se sont constitués partie civile dans cette affaire, qui va avoir (qui a déjà) des retombées absolument négatives sur la crédibilité de tous les musées du monde.

Stèle litigieuse exposée au musée Louvre Abou Dhabi


Mais voilà, Jean-Luc Martinez a déjà des antécédents chez nous au Maroc. Quand il intervient dans les Pays arabes, il se croit en territoire « exotique » et  s’autorise donc des méthodes « exotiques ». On a dû lui souffler à l’oreille qu’ici, il peut faire les choses à sa guise, car il n’y a jamais de compte à rendre. En 2015, pendant que se préparait cette vente de pièces pillées au musée du Louvre Abou Dhabi, le Louvre Paris organisait, avec la Fondation des Musées du Maroc, l’exposition « Le Maroc Médiéval ». Cet événement s’était déroulé pendant cinq mois au musée du Louvre à Paris et pendant sept mois au musée MMVI à Rabat. Le grand ordonnateur, à coups de milliards (du budget marocain), était Jean-Luc Martinez.

Ayant suivi cette exposition aussi bien à Toulouse et Paris qu’à Rabat, j’avais senti quelque parfum de scandale pendant son déroulement. Tout le long de l’exposition, j’avais dénoncé, avec force, dans de nombreux articles les méthodes du président du Louvre et de ses correspondants marocains aussi bien au niveau de l’opacité financière de l’organisation que du traitement indigne et, pour tout dire innommable, réservé aux savants astronomes marocains, à Rabat, dans la capitale-même  du Maroc !!!.

I. Cette  exposition a duré environ une année entre Paris et Rabat. Au musée du Louvre, 300 pièces ont été exposées. Une grande partie de ces pièces avaient été prêtées, par d’autres musées français et de par le monde, contre des montants très importants. Quand on sait que certaines pièces constituent la principale ressource du musée qui les conserve, on imagine que le musée qui les prête veuille bien compenser son manque à gagner. C’est le cas de l’astrolabe d’Abû Bakr Ibn Yûsuf, astronome marocain du 13ème siècle, qui appartient au musée Paul-Dupuy à Toulouse. On m’a assuré dans ce musée que les prêts de cet astrolabe marocain à des musées à travers le monde, générait une partie importante des ressources annuelles du musée. On peut imaginer les coûts faramineux d’une telle exposition quand on sait que des dizaines de pièces avaient été prêtées par d’autres musées après des transactions financières.

Cette partie financière de l’organisation de l’exposition s’est déroulée dans l’opacité la plus totale alors qu’il s’agit de l’argent public marocain. Aucune information financière, de quelque nature que ce soit,  n’a été donnée par les organisateurs. C’est Jean-Luc Martinez, président du Louvre Paris qui négociait les prêts des pièces exposées et présentait les factures, lesquelles sont réglées par le Maroc, rubis sur l’ongle. Maintenant que l’ancien président du Louvre est accusé « d’escroquerie en bande organisée » sur des affaires similaires et datant de la même période que le « Maroc Médiéval », on a le droit de se poser des questions au Maroc…

II.  Pour la même exposition, « Le Maroc Médiéval », si  300 pièces ont été  exposées au Louvre à Paris, seulement 220 le seront au musée MMVI à Rabat. Qu’est-il advenu des 80 autres pièces ? Le Maroc a-t-il payé pour des pièces que personne n’a vues à Rabat ? Aucune information de l’organisation sur ce sujet et circulez, il n’y a rien à voir !! Toujours est-il que les organisateurs, Jean-Luc Martinez en premier lieu, ont donc décrété que des pièces sur l’Histoire du Maroc pourraient être montrées au public français à Paris et doivent être cachées au public marocain à Rabat, lequel public est, naturellement, le premier concerné par cette Histoire ! 

III.  Au cours du « Maroc Médiéval », deux astrolabes fabriqués par des astronomes marocains ont été exposés. L’un a été fabriqué par Mohamed Ibn Fattouh Al Khamairi à Marrakech ou à Séville au 13ème siècle. [J’ai découvert par la suite qu’un astrolabe de cet astronome était exposé dans le Musée de l’Histoire des Sciences à Oxford, Angleterre et évidemment avec son nom indiqué !!]. L’autre astrolabe a été fabriqué par le savant astronome marocain, Abû Bakr Ibn Yûsuf et est conservé  normalement au musée Paul-Dupuy à Toulouse (France).

Eh bien, si ces astrolabes étaient exposés à Paris avec des cartels donnant la date de fabrication et le nom du facteur d’astrolabe, à Rabat ils ont été exposés, de manière anonyme ! Les noms de ces savants marocains ont été effacés. Un acte indigne de hauts responsables de musées et une honte absolue !!

L’astrolabe d’Abû Bakr est une pièce fabriquée à Marrakech sous l’ère almohade, en l’an 613 de l’Hégire (1216-1217).  

Les astrolabes fabriqués par Abû Bakr Ibn Yûsuf et exposés dans des musées en Europe sont de précieux témoins autant sur l’Histoire du Maroc que sur la période faste des sciences marocaines. Ils font de leur facteur, l’ambassadeur de la culture marocaine en Europe, depuis de nombreux siècles.

Son astrolabe de Toulouse a été pris comme modèle de rigueur scientifique et présenté dans tous ses détails de construction par Raymond D’Hollander (1918-2013). Ce dernier, polytechnicien et ancien Directeur de l’Ecole des Sciences Géographiques de Paris, avait réalisé l’ouvrage sur l’astrolabe  le plus complet et le plus abouti (Histoire, Théorie et Pratique). En couverture de cet ouvrage, une photo magnifique de l’astrolabe d’Abû Bakr.

Dans tous les musées du monde, en Europe, aux Etats-Unis, au Canada où cet astrolabe a été exposé, il a été accompagné d’un cartel de présentation portant l’inscription suivante : 

                                    صنعه أبو بكر بن يوسف بمدينة مراكش عمرها الله سنة    

Fabriqué  par Abû Bakr Ibn Yûsuf dans la ville de Marrakech qu’Allah la rende prospère, en 613 de l’Hégire (1216-1217).

Cette phrase célèbre est  gravée en demi-cercle et en lettres coufiques, par Abû Bakr au dos de tous ses astrolabes. 

                                      


Mais cela est valable dans tous les musées du monde sauf, chez lui au Maroc, à Rabat. Car Jean-Luc Martinez, Président du Louvre Paris et son homologue marocain ont décrété que l’on ne doit pas indiquer le nom d’un savant marocain dans cette exposition au Maroc ! Pourtant la présence des astrolabes des savants marocains Abû Bakr Ibn Yûsuf  et  Mohamed Ibn Fattouh Al Khamairi est la seule note scientifique dans cette exposition qui devait présenter une période médiévale faste des sciences marocaines et andalouses. Et de plus, le musée du Louvre et son président ont reçu des milliards pour montrer le nom de ces savants marocains aux publics  marocain et international. Oui mais voilà, certains ont décidé de dépouiller, impunément,  le Maroc de son Histoire et de ses savants.

Concernant ces malversations, j’avais saisi le Ministère de la Culture et la Fondation nationale des musées du Maroc en 2015, pendant que l’exposition se déroulait à Rabat. J’avais également rédigé de nombreux articles sur ces sujets, donnés ci-dessous.

Il n’y a eu aucune réponse officielle à ces demandes,  côté marocain, ce qui est normal. Par contre,  le musée du Louvre (qui a une réputation à défendre), m’a répondu en ligne. L’essentiel de cette réponse était : …. L’absence du nom des savants marocains dans l’exposition « Le Maroc Médiéval » à Rabat est un oubli malencontreux  [cette réponse est enregistrée dans la Grande Galerie, le Journal du Louvre du 31/8/2015 à 14 : 12].

Après cette réponse, l’exposition s’était prolongée quelque temps encore à Rabat sans aucune modification : les noms des deux savants marocains étaient toujours inexistants.

Comme je le soupçonnais, la réponse du Louvre était donc un gros mensonge. La volonté et la décision de Jean-Luc Martinez et de son homologue marocain étaient d’effacer les noms des savants marocains dans cette exposition comme c’est le cas dans les autres musées du Maroc. D’une certaine manière, c’est une tentative de falsification de l’histoire du Maroc et de celle de ses savants. Un acte scandaleux.

Mais maintenant que Jean-Luc Martinez, ancien Président-Directeur du Louvre est accusé « d’escroquerie en bande organisée » pour une vente de pièces pillées en Egypte, organisée à la même époque que l’exposition de Rabat, on pourrait chercher à y voir plus clair sur ce qui s’est passé exactement dans l’organisation bien opaque du « Maroc Médiéval ». 

Car ce qui reste comme souvenir de cette exposition, ce sont des milliards dépensés sur le budget de notre pays, et l'organisateur est maintenant accusé "d'escroquerie en bande organisée", dans des affaires similaires. Ce qu'il en reste aussi, c'est que "Le Maroc Médiéval" censé faire la promotion du Maroc et de son Histoire, a surtout fait la négation de ses savants! 

En attendant, l’ancien président du Louvre aura à réfléchir dans sa cellule, pour son manque de respect aux pharaons d’Egypte et aux savants du Maroc, à la malédiction de Toutânkhamon et à la vengeance d’Abû Bakr Ibn Yûsuf.


Abdelmalek Terkemani

On peut lire sur ce sujet:

 

EXPOSITION "LE MAROC MÉDIÉVAL". Ma discussion avec le musée du Louvre à propos de l'absence des savants marocains.  

PLEURER FACE À PICASSO 

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2 commentaires:

  1. L'oubli d'accompagner les œuvres exposées à Rabat des noms de leurs auteurs marocains peut être aussi un acte prémédité en vue de les vendre ultérieurement, sous d'autres identités, peut-être au musée d'Abu Dhabi ou au Métropolitain de New York. Qui peut le plus peut le moins, avec d'autres complicités.

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    1. Il est bien possible qu'on a fait une manipulation machiavélique pour écouler des pièces vers d'autres horizons. Il faut s'attendre à tout. Vous avez raison de citer le Metropolitain de New York qui a été victime de la même filière que le musée des Emirats. Toutefois le musée newyorkais, s'étant rendu compte de l'escroquerie, avait restitué à l'Egypte en 2019, un sarcophage acquis par la même filière.

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