ASTROLABE DE SIDI ABDALLAH BEN SASSI: Histoire, théorie et fonctionnement
SAINT À SAFI , ASTRONOME À OXFORD...
Sidi
Abdallah Ben Sassi est un saint de la ville de Safi. C’est aussi un savant
astronome marocain qui a exercé au service du Sultan Moulay Ismaïl et d’autres
Sultans alaouites. En mai 2018, lors d’un voyage d’études en Angleterre, sur les savants
astronomes marocains, j’ai découvert qu’un astrolabe de sa fabrication et signé
de lui-même était exposé dans la vitrine dédiée aux savants marocains et
maroco-andalous, du « Musée de l’Histoire des Sciences »* à Oxford.
Pour retracer l’Histoire des sciences, ce musée est l’un des plus anciens et des plus prestigieux
dans le monde. Abdallah Ben Sassi (écrit Abdoullah Ibn Sasi au musée) y a donc sa place, et le Maroc aussi !, aux côtés d’Albert Einstein, d’Alexander
Fleming, d’Isaac Newton, de Guglielmo Marconi et d’autres savants illustres.
Son astrolabe est conservé dans une vitrine solennelle de ce musée, ce qui est
une immense fierté pour la ville de Safi et pour tout le Maroc. Malheureusement,
j’ai appris par la suite, que sa tombe et le cimetière environnant à Safi
avaient été rasés, dans les années 90, lors des travaux d’extension du port de
cette ville!
A la
suite de cette découverte et pour marquer le souvenir de ce vénérable savant,
l’Association Mémoire de Safi, avait organisé une Rencontre « Astronomie
et Sainteté », le 23 octobre 2019 à la Faculté Polydisciplinaire de Safi et une stèle avait
été inaugurée en ville, à proximité de l’ancien cimetière.
La présente étude de l’astrolabe d’Abdallah Ben Sassi est
réalisée pour servir de base à des cours/présentations d’un instrument de grande valeur scientifique et historique, à la Faculté de Safi et dans des lycées techniques. Elle est
destinée à toute future réalisation (musée, stèle) pour rendre l’hommage solennel et nécessaire dû à ce savant. Enfin, elle a pour ambition de perpétuer et d'honorer la mémoire du savant Abdallah Ben
Sassi et de ses travaux, pour la sauvegarde d'un savoir rare, en cours de disparition. Un savoir qui risque de se perdre définitivement, comme l'a été le tombeau du savant lui-même, mais un savoir qui reste, pourtant, la source principale du précieux
patrimoine scientifique marocain.
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INAUGURATION D'UNE STÈLE EN MÉMOIRE DE SIDI ABDALLAH BEN SASSI |
ASTRONOMIE
MUSULMANE
L’astronomie
musulmane est née au 7ème siècle, quand les savants musulmans
avaient commencé à utiliser le mouvement des astres pour connaître l’heure (des prières) et s’orienter (par
rapport à la Mecque). Elle est l’héritière
des savoirs égyptiens, perses et grecs. L’assimilation des apports des
civilisations (égyptienne, grecque, perse, indienne et latine
) rencontrées par les savants musulmans et les savoirs de ces
civilisations, ajoutés et confrontés les uns aux autres dans des lieux
d’échanges des connaissances comme la "Maison de la Sagesse" de Baghdad (Bayt
Al-Hikma), au début du 9ème siècle, allaient constituer les
bases de lancement des sciences musulmanes, notamment la chronométrie et
l’astronomie.
Dans la tradition musulmane, les heures de
prière sont déterminées par la course apparente du Soleil dans le ciel. Les
premières lueurs du jour, le passage du Soleil sur le méridien local, sa situation à une hauteur donnée
l’après-midi, son coucher et les dernières lueurs du jour, étaient devenus des
instants-clés dans la vie sociale des populations islamisées, sous différentes
latitudes. En outre, les mosquées devaient être orientées selon la
direction de la Mecque, dans des contrées situées aux quatre points cardinaux.
Ce sont là les facteurs qui avaient poussé les savants musulmans à
reprendre les anciens instruments de mesure du temps, de longueur et des angles
et à les perfectionner. Ces savants n’allaient pas se contenter de cet héritage
mais allaient chercher à l’enrichir : La numérotation arabe, l’utilisation
du zéro, l’invention de l’algèbre, la création de la trigonométrie
sphérique avec de nouveaux éléments (azimut, zénith, nadir, almicantarat etc.)
pour une meilleure définition des objets dans l’espace, allaient procurer à ces
savants de puissants outils mathématiques pour perfectionner les instruments
d’observation et de mesure. Ces derniers allaient devenir de véritables
instruments scientifiques au service de la recherche. A partir de là, ces
appareils n’allaient plus servir seulement à mesurer le temps ou à s’orienter
mais à aider ces savants à explorer le ciel. Les travaux menés dans les
observatoires et les résultats obtenus, grâce à ces instruments, vont être
transcrits dans des ouvrages qui guideront les recherches des astronomes
européens, comme Copernic, savant polonais au 15ème siècle
et ensuite Galilée, savant italien.
Les sciences de la mesure du temps et de
l’astronomie avaient été entièrement refondées par les savants musulmans, au
point que ce sont leurs livres, traduits en latin, qui étaient devenus
les ouvrages de référence, dans ces sciences, entre le 9ème et
le 16ème siècle, en Occident.
ASTROLABE
C’est
l’instrument emblématique de l’astronomie musulmane. Il allie science et élégance. Son nom dérive du grec ; Astro = Astre et labe = capteur, donc
c’est un instrument pour viser les
astres et mesurer l’angle de hauteur. À partir de cette mesure, on peut déduire
l’heure avec la position du soleil ou des étoiles sur leur orbite. Si au départ
l’astrolabe devait aider à donner l’heure et à s’orienter, les savants
musulmans avaient introduit (comme on le verra plus loin) d’autres éléments qui
permettent d’étendre son utilisation à d’autres fonctions :
1.Connaître
les levers et couchers du soleil et des étoiles
2.Déterminer la latitude d’un lieu.
3.Connaître la hauteur d'une montagne, d'un mur,
d'un rempart, d'un arbre...
4. Connaître
la largeur d’un fleuve.
5. Connaître
la profondeur d’un puits.
6.Faire des
mesures de longueur dans des lieux inaccessibles.
DEUX VISIONS DE L'UNIVERS
L’homme a appris, par instinct et par habitude,
à se repérer et à mesurer le temps qui passe grâce au mouvement apparent du soleil (le jour) et des étoiles
(la nuit). Partant de ces mouvements, les savants devaient donner une
représentation de l’Univers.
Comment alors dans le passé, les savants
voyaient-ils l’Univers, sans avions, sans télescopes (Hubble, Webb) et sans satellites dans l'espace ? Avec
le temps qui avance avec une certaine régularité : après le jour la nuit
et après la nuit le jour…
Ptolémée,
savant grec d’Alexandrie (100-168), avait
une vision géocentrique de l’Univers : La Terre est une sphère fixe. Autour d’elle tourne une sphère plus
grande sur laquelle sont fixés le Soleil, les planètes et les étoiles.
Depuis
le 16ème siècle, Copernic avait proposé une vision héliocentrique, bien différente de la
première: Le Soleil est fixe et autour de lui tournent la Terre et 7 autres
planètes (des sphères aussi). Elles tournent également autour d’elles-mêmes. Au
loin, les étoiles sont fixes. La
construction de l’astrolabe d’Abdallah Ben Sassi est basée sur la vision des
deux sphères, l’une tournant autour de l’autre, c’est cette théorie que nous
allons considérer pour la conception de l’astrolabe. Ce dernier continue de
fonctionner, même avec le changement de vision de l’Univers, car les mouvements
des astres considérés ici sont relatifs, l’un par rapport à l’autre.
Les
deux sphères sont concentriques et ont le même axe des pôles. Elles ont le même
plan équateur.
La première représente la Terre et est fixe.
La deuxième sphère beaucoup plus grande
tourne, dans le sens des aiguilles d’une montre, autour de la première. Les
étoiles sont fixes et disséminées sur sa surface (donc toutes à égale distance
de la Terre !). Le Soleil se trouve également sur cette sphère mais a deux
mouvements : en un jour, il fait un tour complet, comme toute la sphère.
Mais de manière imperceptible, il se déplace chaque jour et décrit une orbite qui
représente un grand cercle de la sphère, en une année. Le plan de cette orbite (écliptique) est incliné et fait un angle de 23°27’ avec le plan de l’équateur (cet angle
est la latitude des tropiques de part et d’autre de l’équateur). Tout au long
de l’année, sur cette orbite, le soleil va éclairer douze constellations du
Zodiaque (ensemble remarquable d’étoiles), l'une après l'autre : الجدى (Capricorne), الدلو (Verseau), الحوت (Poissons), الحمل (Bélier), التور (Taureau), الجوزاء (Gémeaux), السرطان (Cancer), الاسد (Lion), السنبله (Vierge), الميزان (Balance), العقرب (Scorpion), القوس (Sagittaire).
Donc, cette orbite du Soleil est le
calendrier du Zodiaque qui figure sur tous les astrolabes musulmans ! (En astrologie, l’horoscope du Zodiaque est utilisé pour l’interprétation
de la « carte du ciel »).
DEUX VISIONS DE L'UNIVERS
UNE QUESTION DE SPHERES !
Le problème se présente ainsi : Nous sommes
sur une petite sphère entourée par une grande sphère qui nous tourne autour. Et
nous voulons connaître l’heure, par exemple, en observant le mouvement du
soleil et des étoiles qui sont fixés sur cette grande sphère ! Ces deux
sphères ont des dimensions très inégales. Les savants anciens, et Ben Sassi
avec, ont pensé à la chose pratique suivante : il vaut mieux représenter la Terre
par une sphère qui a le même centre et
les mêmes plans méridiens, mais qui a les mêmes dimensions que la sphère
représentant le ciel ! On
l’appelle la sphère céleste locale.
Dans ces conditions, une sphère glisse sur
l’autre et il est plus facile de déterminer la position de l’une par rapport à
l’autre.Si nous dessinons sur la sphère représentant la Terre des repères de déplacement du
Soleil et des étoiles, nous pourrons alors plus facilement faire des mesures !
Donc à partir de maintenant, les deux sphères sur lesquelles nous travaillons, sont
de même grandeur. Sur la surface de l’une, on représente le Soleil et les étoiles, sur l’autre on
représente les repères qui vont nous aider à positionner ces astres, pendant
nos mesures.
Pour un observateur A qui fait des mesures
depuis la Terre, on considère que sa verticale passe par le centre de la Terre
d’un côté et perce la sphère céleste locale au point Z (zénith). Les astres
peuvent être repérés sur des cercles tracés sur cette sphère et dont le centre se trouve
sur le segment AZ. Ces cercles s’appellent Almicantarates ,
المقنطرات
, des cercles de hauteur. On
peut également repérer les astres sur les grands cercles, passant par Z, de la
sphère céleste locale, appelés خطوط السمت , cercles
d’azimut.
Donc,
nous disposons de deux sphères d’égale dimension :
-La sphère externe, qui représente le ciel, sur
laquelle on a représenté un ensemble d’étoiles (bien visibles dans la zone
d’observation) et l’orbite du Soleil en une année. [La lune et les planètes du système solaire ne
sont pas représentées sur l’astrolabe, car elles ont des mouvements différents de ceux du Soleil et des étoiles].
- La
sphère interne, qui représente la Terre, sur laquelle on a représenté les repères,
cercles de hauteur المقنطرات , cercles
d’azimut خطوط
السمت , l’équateur , les deux
tropiques et quelques méridiens.
Ce
sont ces deux sphères qui constituent l’astrolabe !! Ce dernier n’est pas
autre chose qu’une reconstitution en miniature de l’ensemble Ciel-Terre.
Voici un astrolabe sphérique gravé en langue
arabe, conservé au Musée de l’Histoire des Sciences à Oxford en Angleterre. La
sphère externe représentant le ciel est réduite aux pointes des étoiles et à
l’orbite du Soleil. On peut lire le nom d’une étoile الرامي. Et sur l’orbite du soleil, on peut lire
le nom de quelques constellations : الميزان (Balance) - العقرب (Scorpion) - القوس (Sagittaire)…
ASTROLABE SPHÉRIQUE (15ème Siècle)
Cet astrolabe sphérique est exceptionnel. Dans
la majorité des cas, l’astrolabe musulman est plan ou planisphérique. En effet, construire des
sphères métalliques, l’une à l’intérieur de l’autre est assez compliqué. De
plus, graver dessus de très nombreux cercles dont les plans sont parallèles ,
avec précision est très difficile.
Enfin, il n’est pas possible de transporter un tel instrument composé de
sphères l’une à l’intérieur de l’autre, sans en déranger le mécanisme. D’où
l’idée de construire un astrolabe plan.
C’est Hipparque, mathématicien grec (200 av J.C)
qui a eu le premier l’idée de passer de la sphère au plan.
Comment alors,
peut-on arriver à représenter sur un plan ce qui se trouve sur une
sphère ? [A noter que ce problème se posera aussi, par la suite, pour
les cartes géographiques qui doivent refléter fidèlement sur un plan, ce qui se
trouve sur le globe sphérique terrestre].
Pour ce qui nous concerne ici, Hipparque avait
proposé la projection stéréographique (d’une sphère sur un plan)
: Sur une sphère, on a repéré trois astres A, B, et C. On suppose qu’un œil
les observe depuis le point sud S. Les rayons AS, BS, CS coupent le plan
équateur de cette sphère aux points a, b, et c. L’œil perçoit donc les astres
A, B et C à travers les rayons émis comme s’ils étaient placés en a, b, et c.
Donc ces derniers points sur un plan sont des images des astres A, B, et C situés
sur une sphère ! On prouve, par des raisonnements mathématiques, que les
proportions entres les distances sont conservées, dans la projection. On montre
également que la projection d’un cercle (sur la sphère, ne passant pas par S)
est un cercle sur le plan équateur de cette sphère.
|
PROJECTION STÉRÉOGRAPHIQUE (UNE SPHERE SUR UN PLAN) |
Nous
partons donc de l’astrolabe composé de deux sphères et nous allons appliquer la
projection stéréographique pour chacune des deux sphères, afin d’obtenir un
astrolabe plan.
Sur la sphère extérieure (le ciel), il y a les
étoiles et l’orbite du Soleil. La projection donnera des points pour les
étoiles et un cercle pour l’orbite du soleil. Cette projection de la sphère
céleste s’appelle l’araignée العنكبوت. C’est
cette appellation d’il y a quatorze siècles, qui a été reprise aujourd’hui sous
forme de " la toile (d’araignée !)" ou web, pour qualifier ce qui
enveloppe la Terre.
Sur
la sphère intérieure (qui a le même rayon que la sphère céleste !) et qui
représente la Terre, sont représentés
les cercles de hauteur, les cercles d’azimut, 12 méridiens , les deux
tropiques (Cancer et Capricorne) et l’équateur. Maintenant que les éléments sont matérialisés
sur ces sphères, nous allons étudier, plus en détail, comment Abdallah Ben
Sassi a construit son astrolabe.
ARAIGNÉE العنكبوت
Les étoiles les plus brillantes dans le ciel
marocain ont été mentionnées par l’astronome andalou Maslama Al- Majriti (960-1007),
le madrilène, car né à Madrid. C’est un ensemble homogène d’étoiles, visible
tout au long de l’année dans Al Andalous et la majorité des Pays arabes. Tous
les astrolabes construits dans cette zone utilisent la liste d’étoiles donnée
par Maslama, mais certains astrolabistes musulmans ont ajouté quelques étoiles dans leur astrolabe,
comme Abû Bakr Ibn Yûsuf, astronome de
Marrakech, 13ème siècle. Naturellement, un astrolabe construit sous
d’autres latitudes, comme en Australie ou en Suède représentera d’autres
étoiles que celles utilisées par Ben Sassi, car d’autres étoiles sont plus visibles
depuis ces territoires.Le
positionnement des étoiles sur la sphère céleste est donné par leurs
coordonnées sur cette sphère. En général, on opte pour des coordonnées
équatoriales, semblables aux latitudes et aux longitudes, appelées ascension
directe α (en degrés ou en heures, minutes et secondes) et déclinaison δ
(degrés). Le point origine de l’ascension directe est le point vernal γ (21
mars). Une fois les étoiles fixées avec leurs coordonnées sur la sphère céleste,
leur projection se fait, l’une après l’autre sur le plan de l’équateur pour
constituer l’araignée de l’astrolabe. Exemple de coordonnées d’étoiles :
Altaïr, α = 297,6° et δ= 8,8°. [Il faut noter que de nos jours, avec des
applications gratuites comme Google Earth téléchargées dans un Smartphone, il
est possible de trouver une étoile en indiquant ses coordonnées et en pointant
le téléphone vers le ciel pour la localiser].
Voici
le tableau d’étoiles représentées par Ben Sassi ainsi que l’araignée de son
astrolabe avec ces étoiles numérotées. Les étoiles de 1 à 12 sont au dessous de l'écliptique, les étoiles de 13 à 25 se trouvent au dessus.
N° Etoile
|
Nom arabe
|
Traduction
|
Identification
européenne
|
1
|
بطن
قيتوس
|
Ventre de la
baleine
|
Baleine
|
2
|
الدبران
|
La suivante
|
Aldébaran
|
3
|
رجل الجوزاء
|
Le pied
d’al-gawza
|
Rigel
|
4
|
منكب الجوزاء
|
Epaule
d’al-gawza
|
Bételgeuse
|
5
|
العبور
|
Traverse la voie lactée
|
Sirius
|
6
|
الجميزة
|
Avec les yeux
noyés de larmes
|
Procyon
|
7
|
قلب
الأسد
|
Le cœur de
lion
|
Régulus
|
8
|
جناح
الغراب
|
Aile de
corbeau
|
Gienah
|
9
|
الأعزل
|
Sans armes
|
Epi
|
10
|
قلب
العقرب
|
Le cœur de
scorpion
|
Antarès
|
11
|
نب
الجادي ذ
|
Queue du
capricorne
|
Capricorne
|
12
|
نب قيتوس ذ
|
Queue de
baleine
|
Baleine
|
13
|
رأس
الغول
|
Tête de
monstre
|
Algol
|
14
|
العيوب
|
Al Ayyouk
|
Chèvre
|
15
|
الرجل
|
Le pied
|
Ursae minoris
|
16
|
الركبة
|
Le genou
|
Ursae maioris
|
17
|
بناة
النعش
|
Filles du
cercueil
|
Alkaïd
|
18
|
الرميح
|
Armé d’une
lance
|
Arcturus
|
19
|
منير
الفكة
|
Brillante
d’al-fakka
|
Perle
|
20
|
رأس الحواء
|
Tête de
serpent
|
Rasalhague
|
21
|
الواقع
|
L’aigle
tombant
|
Véga
|
22
|
الطائر
|
L’aigle
volant
|
Altaïr
|
23
|
الدلفين
|
Le dauphin
|
Dauphin
|
24
|
الردف
|
Monté
derrière le cavalier
|
Deneb
|
25
|
منكب
الفرس
|
Epaule du
cheval
|
Pégase
|
Tableau des 25 étoiles utilisées par Ben Sassi
TYMPANS
Les tympans sont la projection stéréographique de la sphère intérieure (la Terre), sur le plan de l'équateur. Comme les sphères de départ sont égales, les tympans sont donc des disques de même rayon que l’araignée ! Un tympan est conçu pour une latitude donnée. Les tympans sont montés dans la mère de l’astrolabe (الأم), de manière à ce que l’araignée tourne dessus, et donc reproduise le mouvement initial d’une sphère (ciel) qui tourne autour d’une autre (Terre). Sur le tympan, on représente la projection des cercles de hauteur et des cercles d’azimut (qui sont des cercles), de 12 méridiens pour l'heure diurne, des deux tropiques et de l’équateur. L’astrolabe de Ben Sassi comprend trois tympans :
- Un
tympan pour la ville de Safi, latitude indiquée : 32°.
- Un tympan pour la ville de Marrakech, latitude indiquée :
31°
- Un
tympan pour le Palais royal de Meknès, latitude indiquée : 35°
Nota : Le Musée de l’Histoire des Sciences
d’Oxford conserve également deux tympans inachevés, avec les traces de
l’équateur et des tropiques. Ben Sassi les destinait, certainement, à d’autres
villes marocaines !
Le tympan sur lequel est gravé لعرض القصر , pour la latitude
du Palais 35°, est une preuve incontestable que Ben Sassi utilisait cet
astrolabe pour le service du Palais royal de Meknès. La date indiquée sur cet
astrolabe, Année 1099 H soit 1687, correspond au règne du Sultan Moulay Ismaïl.
On peut remarquer que la latitude actuelle de Meknès, donnée par des
instruments modernes est de 34°, ce qui représente 1° de différence avec la
latitude donnée par Ben Sassi, il y a plus de trois siècles. (on notera le
meilleur état de ce tympan, comparé aux autres !).
Le dos de l’astrolabe est conçu pour mesurer les
angles de hauteur des astres. Le disque est partagé en quatre quadrants, allant
chacun de 0° à 90°. Une règle pivotante, l’alilade الحدادة, dotée de deux trous, permet de viser un
astre et de mesurer l’angle de hauteur. Sur le dos de l’astrolabe, Ben Sassi a
gravé deux calendriers circulaires concentriques : l’un est zodiacal,
l’autre est le calendrier civil. Cette disposition permet une conversion rapide
des dates. Exemple : nous travaillons, en observant le Soleil (attention
aux yeux!) le 27 juillet- يليوز . Le bord de l’alidade passe par le 27
juillet, ce qui correspond à 5° dans la constellation du Lion- الأسد. Pour
positionner le Soleil ce jour sur l’araignée, on tourne l’astrolabe et on
considère que le Soleil se trouve sur la graduation 5° du Lion sur son orbite.
Ben
Sassi a gravé sur le dos de son astrolabe deux figures : Les carrés des
ombres et une table trigonométrique. Ces deux figures font partie des innovations
introduites par les savants musulmans pour faciliter les calculs.
CARRÉS DES OMBRES
Deux carrés sont gravés de part et d’autre de
l’axe Nord-Sud. Le côté de chaque carré est divisé en 12 graduations. De cette
manière, la tangente de l’angle de hauteur α est égale à la longueur lue sur le
côté vertical divisée par 12.
L’une
des dizaines d’application de l’astrolabe est de mesurer les hauteurs de
murailles, de sommets, de monuments…Voici la mesure de hauteur d’un minaret,
utilisant le carré des ombres.
Le
rayon rouge venant du sommet du minaret, passe par les deux trous de l’alilade
et rencontre l’œil de l’observateur. Ce rayon coupe le côté vertical du carré au
point B de graduation 2,8. La tangente de l’angle α est égale à 2,8 /12. Si
L est la distance minaret-observateur, la hauteur H du minaret est alors : H =
L x tg α
Si L= 250m,
H= 250 x 2,8/12 = 53,33 m
(L’astrolabe
et le minaret ne sont pas à la même échelle. L’astrolabe est agrandi pour
montrer le détail du carré des ombres).
Cette méthode peut être utilisée pour la mesure
de hauteur de certaines parties inaccessibles de monuments, de murailles, de
profondeur de puits, de largeur de fleuves…
TABLE TRIGONOMÉTRIQUE DE BEN SASSI
Elle
se trouve dans le dos de l’astrolabe, dans le quadrant en haut et à droite. Les
rayons OA et OB sont gradués de 0 à 6. Ben Sassi a gravé un quadrillage, comme
indiqué sur la figure.
On veut calculer le sinus de 38°, à l’astrolabe
avec la table de Ben Sassi. On fait passer le bord de l’alilade par la
graduation 38°. Les angles AOC et DCO sont égaux (alternes-internes). On lit sur l’abaque OD = 3,7.
On sait que OB= OA=OC=6, rayon du cercle, donc : Sinus 38°= OD/OB= 3,7/6= 0,616 .
Le
résultat donné par des tables modernes est de 0,615 ! On peut arriver à
des résultats plus précis en utilisant des quadrillages de plus petites
dimensions. On procède de la même manière pour le calcul des cosinus et des
tangentes.
FONCTIONNEMENT DE L'ASTROLABE
L’utilisation
la plus courante de l’astrolabe est le calcul de l’heure du jour en observant
le Soleil ou la nuit en observant une étoile.
Calcul
de l’heure le jour
Au départ, on connaît la date du jour
d’observation
1. Sur
le dos de l’appareil, on cherche la correspondance entre la date du jour du
calendrier civil avec la date du calendrier zodiacal. Exemple : 27
juillet, le Soleil est devant la constellation du Lion et a parcouru 5°
2. On
lit la hauteur du Soleil, c'est-à-dire sa position sur l’écliptique en degrés,
soit 39°.
3. On retourne l’astrolabe pour situer la position
5° du Lion, sur l’orbite du Soleil
4. On amène la position du soleil (5° du Lion) sur
le cercle de hauteur 39°.
5. Comme
la mesure est faite l’après-midi, cette position se trouve sur le quart
sud-ouest de l’astrolabe (attention le sud de l’astrolabe est en haut !).
Si la mesure est faite à Safi (latitude 32°), on
lit l’heure 15H40mn.
Calcul de l’heure de nuit
Nous travaillons avec l’étoile Rasalhague رأس الحواء (α
Oph), le 21 juin.
1. Sur le dos de l’astrolabe, le 21 juin correspond
au début du Cancer
2. On
mesure la hauteur de l’étoile α Oph, avec le dos de l’astrolabe en la visant à
travers les deux trous de l’alilade, on lit 45°. On note que l’étoile se situe
entre sud et est.
3. On
retourne l’astrolabe et on amène l’étoile α Oph sur le cercle de hauteur 45°
4. Dans
cette position de l’araignée, on lit l’heure indiquée en faisant passer l’ostenseur par la position du Soleil le
21 juin, donc au début du Cancer : 2h22mn.
Nota : l’heure donnée par l’astrolabe est l’heure solaire.
Pour avoir l’heure civile, il faut faire trois corrections (heure légale,
longitude, équation du temps).
DONNÉES SUR L'ASTROLABE DE BEN SASSI
Date et lieu de fabrication:1099 Hégire,1687/1688. Safi-Maroc
Description :
En laiton. Mère ; Araignée de 25 étoiles ; Alidade.
Dimension : Diamètre 124 mm
Inscription :
الحمد لله صنعه عبد الله بن ساسي غفر الله له و لوالديه
"Louange à Dieu ! Fabrication
de Abdallah Ben Sassi que Dieu lui pardonne à lui et à ses parents".
Provenance :
Présenté par Lewis Evans. Acheté chez Webster (mars 1918) qui l’a acheté
lui-même chez M. Gélis à Paris.
PROPOSITION
Abdallah Ben Sassi contribue grandement, avec d’autres
savants marocains, par leur présence au « Musée de l’Histoire des Sciences »
d’Oxford en Angleterre, à la connaissance et au prestige du Patrimoine scientifique marocain, à l'étranger. Parmi toutes les actions à réaliser, pour la réhabilitation de ce savant, dans le futur, il sera juste, judicieux
et opportun que, dans l'immédiat, la Faculté de Safi qui dispense des enseignements scientifiques,
porte le nom du savant astronome, natif de Safi : ABDALLAH BEN SASSI.
Abdelmalek Terkemani
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Merci infiniment pour le partage 🙏
RépondreSupprimerشكرا لك على هذا المقال المفصل نتمنى المزيد
RépondreSupprimerJe vous remercie pour cette publication très instructive.
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