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jeudi 1 octobre 2015

PLAIDOYER POUR AL-ANDALOUS. LE SECRET DES MURS DE L'ALHAMBRA DE GRENADE

Nous partageons avec l'Espagne une histoire et une culture communes. Il n'y a qu'à voir les villes de Tolède, Grenade, Séville, Cordoue, Cacérès, Cuenca et la palmeraie d'Elche déclarées "Patrimoine  mondial de l'UNESCO", pour leur passé arabo-berbère. Il n'y a qu'à écouter la langue espagnole avec ses milliers de mots arabes pour s'en convaincre. Malheureusement, cet héritage n'est pas toujours traité avec le respect dû à ceux qui l'ont légué. L'attitude des Espagnols, en général, vis à vis de cet héritage est bien déroutante: On admire et on exploite l'héritage mauresque en Espagne, du point de vue culturel et touristique;  en même temps, on fait tout pour minimiser l'influence passée des Musulmans,  durant plus de huit siècles de vie commune. Bien plus grave encore, certains points de cette histoire sont tout simplement falsifiés pour les déconsidérer. C'est la leçon à tirer de la version donnée à la devise du dernier royaume arabe de Grenade. " Wa la ghaliba illa Allah", dans les archives espagnoles.     


   
Devise de Grenade
                                                 

L'héritage arabo-berbère de l'Espagne est-il bien mérité?

   La ville de Grenade est une des villes d’Espagne les plus visitées par les touristes étrangers ou
Cour des lions de l'Alhambra
espagnols. Le Palais de l’ALHAMBRA
قصر الحمراء  de cette ville est certainement le monument maure, situé en Europe, le plus fréquenté. Il constitue l’un des témoignages le plus parlant de la présence arabo-berbère dans al-Andalous, au faîte de sa splendeur. Des millions de visiteurs viennent chaque année à la découverte des vestiges d’une civilisation, finalement toujours vivante…

  Pour le visiteur, marocain en particulier, malheureusement bien rare, la découverte de ces lieux  rappellera, avec nostalgie et émotion, les remparts crénelés de Marrakech ou de Fès ; les mosaïques, les plâtres sculptés et les  plafonds en bois de cèdre qui constituent  toujours aujourd’hui la principale activité de l’artisanat au Maroc. Les jardins du ‘’Generalife’’ dont le nom peut prêter à confusion avec un haut gradé militaire, mais qui est à l’origine "Jnane Al Arif", c'est-à-dire jardin de l’architecte ou du savant, évoquent bien certains jardins de Fès, de l’Agdal de Marrakech ou des Oudayas de Rabat. Quant aux magnifiques kiosques de la fameuse Cour des lions à Grenade, c’est une très belle réplique de ceux des Karawiyyines de Fès ou, plus loin dans le temps, de ceux de la mosquée des Omeyyades de Damas. L’ensemble est une merveille d’harmonie entre le savoir-faire maure (nous disons maghrébin aujourd’hui) et l’art moyen oriental.

  Naturellement, ceux qui avaient édifié ce palais-citadelle splendide, car il s'agit d'abord d'une place forte (Kalaa) n’avaient pas hésité à utiliser les apports des autres civilisations, comme par exemple la conduite des eaux par aqueducs des montagnes voisines de la Sierra Nevada ou encore l’organisation défensive de la place. La ville de Grenade avait alors constitué le dernier royaume arabe d’al-Andalous  et  faisait rayonner une civilisation tolérante et raffinée. Cela se passait au 13ème siècle…
C’est le poète mexicain Francisco de Icaza qui a dit, comme personne, les splendeurs de la Grenade musulmane :
Dale limosna, mujer,                                                      Donnez-lui l’aumône, Madame
que no hay en la vida nada                                            car il n'y a pas dans la vie pire 
como la pena de ser                                                       peine que d'être
ciego en Granada.                                                          aveugle à Grenade

  Il y a une cinquantaine d’années, on pouvait se trouver au plus fort de l’année à 10 ou 20 visiteurs au maximum pour admirer, sans bousculade, les coins et recoins du palais, en arrivant à l’improviste. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. En temps normal, il faut se présenter tôt le matin pour avoir une chance d’accéder au palais. En haute saison, c'est-à-dire presque tout le temps, on prend des billets pour accéder au monument seulement le lendemain ou plus tard encore. Ces centaines de milliers de visiteurs viennent de par le monde, non seulement pour admirer un chef-d’œuvre architectural mais aussi pour vivre un instant, in situ, au contact d’une civilisation et ses hommes venus de l’autre rive de la Méditerranée, principalement du Maroc.

   L'Alhambra est le symbole d'un grand paradoxe, à plus d'un titre: D'un côté, une bonne part de l'activité économique de la ville de Grenade (aéroport, hôtels, restaurants, magasins, visites  etc..) tourne autour de ce palais arabe (pour un hôtel proche du palais, les réservations sont effectuées un an ou plus à l'avance, pour un prix d’une nuit à 500 euros ...); mais d'un autre côté, tout est fait pour que le prestige d'une telle œuvre ne rejaillisse pas sur ceux qui l'avaient édifiée!
 Vous avez dit bizarre ? Ce constat curieux, de prime abord, devient tout à fait flagrant par la suite, autant dans les documents historiques que dans certaines traditions qui remontent à la Reconquista. La présentation de ce palais et des autres monuments arabes, dans les documents (guides, journaux, livres d'Histoire, TV) par les Espagnols constitue un révélateur de réflexes et de complexes dont l'Espagne n'arrive, malheureusement pas, à se débarrasser.
     
  Si la visite de tels lieux est un pur bonheur, parce qu'on est transporté par magie, un instant dans d'autres temps, elle est  malheureusement gâchée pour le visiteur  par une grande frustration et un sentiment d’ingratitude envers ceux qui les avaient édifiés.
En effet, les Espagnols considèrent que l’héritage arabe fait partie intégrante de leur patrimoine historique, comment peut-il en être autrement ? mais les historiens espagnols avaient,  malheureusement, "confectionné " après la chute de Grenade en 1492 une histoire qui déconsidère totalement les Arabes, dans le but de plaire à leurs nouveaux maîtres qu'ils étaient amenés à servir. De ce fait, en Espagne on admire et on présente aux visiteurs avec fierté l'œuvre laissée par les Arabes, mais on se garde bien d'émettre un quelconque éloge à ses créateurs. Au contraire…

   Les guides touristiques évoquent ceux qui ont édifié ces splendeurs, dans le meilleur des cas, avec une certaine indifférence teintée de mépris. Quelle ingratitude !! L’Espagne se présente chaque année aux grands  Salons de tourisme mondial pour le lancement de la saison touristique en proposant de belles photos ou maquettes de l’Alhambra de Grenade, de la mosquée de Cordoue ou de la Giralda de Séville, et en évitant soigneusement d’évoquer le traitement réservé à ceux qui avaient édifié ces merveilles, au cours de fêtes ou dans des coutumes héritées du Moyen Âge, dans tous les sens du terme. Elle reçoit autour de 50 millions de touristes par an, et une partie importante des retombées financières sont dues à l’héritage arabo-berbère, mais rarement une allusion favorable est faite à ceux qui l’ont légué. Comment dit-on merci beaucoup en espagnol ? Muchas gracias !
      
  Les nombreux touristes d'Europe, d'Amérique ou d'Asie ne sont certainement pas naïfs, car ils perçoivent aisément les contradictions du discours espagnol.  Les Arabes d'al-Andalous y sont rarement présentés sous un bon jour. Le personnage superstar des guides touristiques, c’est Boabdil (Abou Abdillah), dernier roi Nasride de Grenade, car c’est lui qui a remis les clés de la ville aux rois vainqueurs. Il a eu aussi l’insigne tristesse d’avoir poussé le plus grand et le plus célèbre soupir de l’humanité, en route pour son exil à Fès au Maroc, puisqu’un col au sud de Grenade porte le nom de « Ultimo Suspiro del Moro » (dernier soupir du Maure) ; c’est le dernier endroit d’où il pouvait contempler les remparts et les tours de son palais qu’il n’allait plus jamais revoir…

  Le visiteur de l’Alhambra, avide de détails sur la vie de ceux qui ont édifié ce monument, aura encore droit à Boabdil (alors que le palais avait été édifié deux siècles avant sa naissance), pendant qu’il admire la splendide salle des Ambassadeurs, le nez dans les étoiles du plafond, car là aussi, on ne manquera pas de lui préciser que c’est dans une salle voisine que ce roi aurait organisé le "Massacre des Abencérajes"; une histoire bien rocambolesque qui fait partie de l’histoire fabriquée depuis 1492, et que réfutent totalement de nombreux historiens, y compris espagnols.
  Cette histoire, confectionnée sur la base de contes et de légendes, présentera à tous les coups les Arabes d’al-Andalous comme de bons vivants accaparés, à plein temps, par leurs harems, le vin, la musique et autres plaisirs d'une vie oisive. Le terme "harem", par exemple, est délibérément confondu avec le "haram" qui signifie l'épouse ou encore un lieu privé ou sacré…
.'École d'Athènes' par Raphaël. Ibn Rochd., avec un turban,  est en bas à gauche.
 C’est à se demander où les Musulmans d'al-Andalous avaient bien pu trouver le temps de développer les mathématiques, l’astronomie, la médecine, l’agriculture, la chimie, l’architecture, la sociologie ; le temps de traduire et de sauvegarder les trésors littéraires et philosophiques auxquels allait  se référer le monde occidental pour sa Renaissance et se sortir de son Moyen Âge ; le temps d’édifier tous ces monuments, déclarés aujourd'hui ‘’Patrimoine Mondial de l'UNESCO’’, que les vainqueurs de 1492 avaient commencé par saccager  et dont l’Espagne exploite aujourd’hui ce qui en reste; et surtout, le temps d’organiser une vie sociale de raffinements, de grande culture et de progrès peu égalés à l'époque et favoriser la tolérance religieuse dans al-Andalous, citée encore aujourd’hui comme exemple unique dans l'histoire des Trois Religions du Livre. Le grand peintre de la Renaissance Raphaël avait bien traduit ce brassage interculturel dans le tableau " L'école d'Athènes" où Abou Al-Walid Ibn Rochd (Averroès) est présenté avec les grands philosophes grecs Socrate, Platon et Aristote dont il a été le grand commentateur. 
Les anciens historiens espagnols, eux qui se targuaient de connaître la langue arabe, auraient dû prêter plus d’attention et de sérieux à l’art calligraphique sur les murs de l’Alhambra. Une phrase est écrite sur les murs des salons et des cours de ce palais ; gravée dans le marbre des colonnes et sculptée dans le bois des frises et le plâtre :
                                            Wa La Ghaliba Illa Allah (Seul Dieu est le vainqueur). 

 Cette phrase n’est pas extraite du Coran. Elle n’est pas écrite 10 ou 50 fois mais bien 5000 fois !! Elle était devenue la devise du dernier royaume arabe de Grenade. Elle intrigue ; on en connaît la signification et le sens en arabe, on est bien curieux d’en connaître l’histoire. 
Wa la ghaliba Illa Allah. L'avez-vous reconnu ?
De nombreux écrivains (Chateaubriand, Gautier, Maâlouf etc.) ont parlé de Grenade et de son palais sans s’être préoccupés de l’origine de cette phrase. Hassan Al Wazzan (Léon l'Africain), pourtant natif de Grenade, n'y fait pas allusion dans ses écrits.
Washington Irving, diplomate et écrivain américain
Les simples guides touristiques ne s’attardent pas sur ce détail. Curieusement, c’est un historien et diplomate américain, Washington Irving qui donne un début de réponse. Washington avait séjourné, durant plusieurs mois, dans le palais de l’Alhambra en 1829, dans des conditions assez extraordinaires. En passionné de l’Espagne musulmane, il avait réuni le fruit de ses travaux et recherches dans « Tales of the Alhambra » (Contes de l'Alhambra), livre qui fera connaître et aimer Grenade dans le continent américain et en Europe. Dans sa foulée, les écrivains et les peintres romantiques européens du 19ème siècle viendront découvrir et s'imprégner de la magie de Grenade et de l'Alhambra. Entre autres choses, il raconte l’origine de " Wa la Ghaliba Illa Allah "; Ce faisant, il répète ce qu’il a lu dans des documents glanés dans les archives de Grenade après 1492 :


Mohamed Ibn Alahmar, né à Arjona en Andalousie devint roi de Grenade en 1238. Il avait été le premier roi de la dynastie Nasride (de Beni Nassar). C’est lui qui édifiera  Qalaat al-Hamra, c'est-à-dire la citadelle rouge qui dérive donc de son nom et deviendra l'Alhambra. Le roi Ferdinand de Castille, en perpétuelle guerre contre les Arabes fera appel à son aide à l’occasion du fameux siège, en 1248 de Séville, alors musulmane !!

Cet Ibn Alahmar se serait déplacé avec son armée et a montré de grandes prouesses (donc contre ses propres frères !). Après la chute de Séville en 1248 et un siège bien cruel pour sa population, Ibn Alahmar rentra dans ses terres et fut acclamé par les habitants de Grenade (en majorité musulmans !) par des cris « Al Ghaleb, Al Ghaleb ». En s’entendant appeler ainsi, il aurait secoué sa tête en s’exclamant " Wa la ghaliba illa Allah ". Cette phrase allait devenir la devise des Nasrides qui l'écriront plusieurs milliers de fois sur les murs de l'Alhambra!!  

   Voilà donc ce que débitaient les historiens espagnols, en toute innocence et en toute objectivité, bien entendu, sur l’origine de la devise de Grenade ‘’ Wa la ghaliba illa Allah’’!
 MAIS QUE DISENT DONC LES MURS DE L'ALHAMRA?
  Quand on relit l'histoire à partir de différentes sources, pas toujours espagnoles, on s'aperçoit que la vérité est toute autre. Imaginons un instant le contexte de l'époque: L'histoire d’Ibn Alahmar et de Ferdinand ne peut absolument pas tenir la route. Tout d’abord, la tradition dans les dynasties aussi bien au  Maroc que pour al-Andalous veut qu’un roi vainqueur soit appelé « Al-Mansour » plutôt que « Al-Ghaleb ». Ensuite, si Ibn Alahmar avait regretté son action contre ses coreligionnaires de Séville (en disant cette phrase), il n'allait pas perpétuer pour l'éternité ce souvenir qui ferait de lui un traître, en le rappelant plus de 5000 fois sur les murs de son palais-citadelle ! Et il ne battrait pas monnaie avec une devise qui rappellerait sa trahison à toute la population et au reste de l’Humanité, jusqu'à nos jours pour que nous en parlions encore...
  En outre, Ibn Alahmar sera tué au combat, près de Grenade quelques années plus tard, et ses successeurs ont continué d'agrandir Alhambra, écrivant sur les murs " Seul Dieu est  le vainqueur". Cette phrase devait alors avoir une toute autre signification pour eux. 
LA VÉRITABLE SIGNIFICATION DE LA DEVISE DE GRENADE

  La présence arabo-berbère en Espagne s'était bien affirmée à partir de la traversée de Tarik Ibn Zyad du détroit qui porte son nom en 711. Elle avait culminé avec le Khalifat de Cordoue (756-1031). Depuis la déposition du dernier souverain Omeyyade en 1031, les territoires arabes du Khalifat n'ont cessé de se réduire. A partir de 1248 (chute de Séville), seul le royaume de Grenade résistait encore et il allait le faire encore pendant 244 ans! , face aux coups de boutoir incessants des armées de Castille (à cette époque, l'Espagne n'existait pas encore). La situation du royaume de Grenade était intenable: harcelé à ses frontières du nord par les armées de Castille et de l'Aragon, il était coupé de tout secours au sud par la mer. Les populations musulmanes malmenées dans les territoires voisins s'étaient repliées dans le dernier réduit d’al-Andalous qu'était devenue Grenade. Le quartier arabe actuel de Grenade d'Albayzin porte encore aujourd'hui le nom des populations expulsées de la ville de Baeza, située plus au nord.
  Les Musulmans de Grenade savaient bien ce qui les attendait en cas de défaite dans leur dernier réduit et la suite a été bien édifiante, à ce propos. Il fallait donc résister et se donner du courage pour tenir, c'est le sens de " Wa la ghaliba illa Allah" (Seul Dieu est le vainqueur). C'est donc un cri de résistance et de rassemblement. Le meilleur moyen de s'en convaincre a été de l'écrire partout  autant de fois et de battre monnaie avec, de manière à ce que les rois, les chefs militaires et la population ne l'oublient pas.
  Les murs de l'Alhambra portent d'autres inscriptions qui vont toutes dans le même sens, comme "Seul Dieu est Eternel" (Albaqaou lillah) ou encore " Gloire au grand Moujahid Alhajjaj", un autre roi Nasride de Grenade. Le royaume de Grenade tomba en 1492 et les clés de la ville remises aux rois dits "catholiques", ce qui confirme le sens de la phrase!
Seul Dieu est éternel


  Il y a donc une différence, et de taille, entre  les deux versions quant à la devise de l'Alhambra: une première, espagnole, basée sur des contes à la vie dure, sans aucune base historique qui figure dans quelques livres et qui présente les Musulmans comme des traîtres à leurs frères et à leur religion pour garder leurs privilèges. Cette version est manifestement confectionnée pour les déconsidérer et aussi pour asseoir le pouvoir des nouveaux maîtres. C'est bien une preuve que le terme de "désinformation" ne date pas d'aujourd'hui. Il ne suffisait pas de chasser la population maure de Grenade, il fallait aussi l’accabler en falsifiant son histoire !
 La deuxième version est plus conforme au contexte de l'époque et à l'esprit de la phrase elle-même (que les historiens espagnols d'alors ne devaient pas comprendre manifestement), qui concerne une population acculée dans ses derniers retranchements et devant lutter pour sa survie. Cette phrase sera comprise dans n'importe quel pays arabe aujourd'hui de la même manière: Résistons et tenons bon, Seul Dieu est le vainqueur. 

C'est ce que disent les murs de L'ALHAMBRA!

No passarán! Madrid 1937
  Il faut noter un fait historique similaire plus proche de nous et, précisément, dans l'histoire de l'Espagne: Pendant la Guerre civile espagnole en 1936-1939, les armées républicaines espagnoles (légitimes) résistaient devant l'offensive des armées de Franco en ayant adopté la devise " NO PASSARÁN!" (Ils ne passeront pas!). Cette phrase des résistants républicains était écrite partout sur les banderoles, sur les murs, sur les véhicules et sur les armes, comme on peut le voir dans les journaux ou les reportages de l'époque. C'était un cri de résistance et pour se donner du courage. No Passarán! Cela a la même signification que la devise ‘’Wa la Ghaliba Illa Allah’’ de l'Alhambra, dans un contexte similaire.

La paix des cultures

  Cette dissonance, entre admirer (et exploiter) une œuvre inégalable, celle des Musulmans en Espagne d'un côté, mais ne pas accorder la considération et le respect requis à ses créateurs, est présente non seulement dans les guides touristiques ou les médias espagnols, mais aussi dans certaines attitudes et traditions quand ce sujet est traité. C'est une forme d'injustice éternelle à leur égard. Et au nôtre.
  Les générations actuelle et future ne comprendront pas que les villes de Grenade, Séville, Tolède, Cordoue, Cacérès, Cuenca et la palmeraie d’Elche, entre autres, soient déclarées par l'UNESCO, Patrimoine Mondial, de par leur passé arabo-berbère, mais que subsistent encore aujourd'hui, au 21ème siècle et pas loin de ces lieux, des traditions moyenâgeuses et indignes qui déconsidèrent et défigurent  ceux  qui les avaient façonnées, durant huit siècles.

   Si ce patrimoine est en partage sur les deux rives de la Méditerranée, le respect dû à ceux qui l'ont légué devra l'être aussi. Voilà donc un défi qui en vaut bien d'autres et la volonté ne manque pas des deux côtés du détroit pour le relever. Il est grandement temps, après cinq siècles, de s'engager dans la "paix des cultures".

 Abdelmalek Terkemani
Chercheur et expert international
- Article paru dans le journal l'Opinion le 11/02/2009