UN SAVANT MAROCAIN TOUJOURS RESPECTÉ
À L’ÉTRANGER ET TOUJOURS IGNORÉ DANS SON PAYS
LE BRITISH MUSEUM, LA SICILE .....ET LE MAROC
L’évènement Histoire et Culture le plus couru cet été se déroule à Londres (21/4-14/8/2016). Le British Museum, l’un
des musées les plus importants du monde, organise une fascinante exposition sur
la Sicile. http://www.britishmuseum.org/whats_on/exhibitions/sicily.aspx,(Dans ce site, dans la page d'accueil, descendre jusqu'à Highlight objects et faire défiler les photos jusqu'à la carte de Sicile objet de cet article)
Il est rappelé dans cet évènement, la très grande
richesse culturelle et historique de cette île qui a été convoitée,
successivement, par les Phéniciens, les Grecs, les Romains, les Byzantins, les
Arabes, les Normands et les Espagnols. Les pièces et les thèmes présentés sont
judicieusement choisis de manière à souligner l’apport de ces civilisations.
Dans cette
exposition, on fait une découverte extraordinaire qui nous remonte le moral et nous met du baume au cœur : le Maroc
y est présent et y contribue de manière très convaincante. Mais si, mais
si ! Et c’est une participation qui honore notre pays. Seulement voilà : ce
n’est pas un de nos ministres « concernés »,
de la Culture, de l’Education ou de l’Enseignement supérieur, censés promouvoir notre patrimoine historique et scientifique ou encore le responsable des musées au Maroc, qui nous
représentent. Et heureusement, d’ailleurs!
Celui qui
représente le Maroc dans cet évènement mondial, de la plus éclatante des
manières, est Mohammed Charif Al-IDRISSI (1100-1165) géographe et cartographe
marocain du 12ème siècle. La carte de la Sicile extraite de son
ouvrage Voyage d'un passionné pour explorer l'au delà des horizonsنزهة المشتاق في اختراق الآفاق , conservé à la Bodleian Library à Oxford, est l’une des pièces maîtresses de
l’exposition.
Carte de la Sicile du 12ème siècle d'AL-IDRISSI exposée au British Museum |
Évidemment, Il
y a comme un problème ! et un grave celui-là. Un évènement planétaire de cette envergure
dans lequel notre pays est honoré à travers l’un de nos savants les plus
illustres, n’est même pas annoncé dans les
sites des ministères concernés, ci-dessus indiqués ou dans les médias marocains qui en dépendent. R.A.S.
Mohammed Charif
Al-Idrissi a écrit au 12ème siècle une œuvre monumentale sur la
géographie mondiale, dont des copies sont précieusement conservées à Oxford et à Paris. Son œuvre est l'objet de recherches dans les universités européennes et américaines, ainsi que dans les
Instituts de géographie. Des hommages lui sont rendus de temps à autre, comme
par exemple celui de l’Ile Maurice qui a édifié un monument en son honneur, à Port Louis, il y a quelques années. Les plus grands musées du monde, comme le
British museum actuellement, le sollicitent dès qu’il s’agit de la géographie mondiale et de son histoire. Il
est présent dans l’histoire de l’Europe et du monde dont il a parlé et dressé les cartes géographiques au 12ème siècle. Malheureusement, il
est, à peu près, inexistant dans son propre pays, le Maroc.
Texte d'Al-Idrissi sur la Sicile projeté au British Museum |
On n'oublie pas que l'an dernier, l'exposition "Le Maroc médiéval", à Rabat, n'a laissé aucune place aux hommes de sciences marocains. Un astrolabe d'Abû Bakr Ibn Yûsuf prêté par le musée Paul-Dupuy de Toulouse a été exposé, durant sept mois sans le nom de ce savant marocain, alors que quand il est exposé partout dans le monde, le nom du savant marocain est inscrit sur les cartels!! On ne sait toujours pas ce que les organisateurs de cette exposition, avec le Louvre comme conseiller, voulaient prouver en cachant aux Marocains les noms de leurs savants! Déjà que nous n'en avons pas beaucoup, mais quand même, laissez-les nous et qu'Allah les bénisse !
On n'oublie pas non plus qu'un astrolabe de ce même savant est exposé au musée archéologique de Rabat sans le nom du fabricant et sans date, comme s'il s'agit d'un banal objet de l'artisanat du cuivre, alors qu'il figure dans les inventaires scientifiques mondiaux de référence. Toutes ces choses ont été dites dans ce même blog et dans la presse marocaine, et c'est toujours la même réaction des responsables: Rien dit, rien vu et rien entendu...
Ces simples exemples, il y en a d'autres, expliquent la désertification des musées au Maroc, car le public marocain ne s'y reconnaît pas. Plus grave encore, ils expliquent aussi le grand vide dans nos connaissances sur notre propre patrimoine scientifique et historique que nous comblons en ayant recours à des documents et des musées étrangers. Notre propre histoire nous est "refilée", en faisant un grand détour extérieur.
Beaucoup de pays auraient profité de l'évènement du British Museum, pour mobiliser les radios, les TV, la presse écrite, les sites des ministères impliqués, pour rappeler un patrimoine aussi riche et se réconcilier un peu avec leurs propres savants. Au lieu de cela, c'est le vide du vide...
Malheureusement, nos responsables n'ont même pas réalisé la portée d'un tel évènement et du bénéfice que notre pays pouvait en tirer: En 2016, dans l'environnement mondial très tendu (pour le moins) que tout le monde connaît, un savant musulman et arabe expose une oeuvre qui représente et souligne, depuis neuf siècles, la coexistence pacifique et le dialogue entre les civilisations. Et cette œuvre de ce savant, marocain en l'occurrence, est exposée, en tant que "highlight object" dans un musée européen (7 millions de visiteurs/an), l"un des plus grands du monde.
Beaucoup de pays auraient profité de l'évènement du British Museum, pour mobiliser les radios, les TV, la presse écrite, les sites des ministères impliqués, pour rappeler un patrimoine aussi riche et se réconcilier un peu avec leurs propres savants. Au lieu de cela, c'est le vide du vide...
Malheureusement, nos responsables n'ont même pas réalisé la portée d'un tel évènement et du bénéfice que notre pays pouvait en tirer: En 2016, dans l'environnement mondial très tendu (pour le moins) que tout le monde connaît, un savant musulman et arabe expose une oeuvre qui représente et souligne, depuis neuf siècles, la coexistence pacifique et le dialogue entre les civilisations. Et cette œuvre de ce savant, marocain en l'occurrence, est exposée, en tant que "highlight object" dans un musée européen (7 millions de visiteurs/an), l"un des plus grands du monde.
UN GÉOGRAPHE MAROCAIN DANS UN MUSÉE DE LONDRES
Le British Museum est le temple
mondial de l’Histoire et de la Culture. La pièce maîtresse de ce musée est la pierre
de Rosette qui a permis de déchiffrer les hiéroglyphes égyptiens, et de sortir
de l’oubli plus de 3000 ans d’histoire de l’Egypte.
Devant le British Museum. Affiche de l'exposition sur la Sicile |
Sur les prospectus distribués à
volonté, il y a la carte de Sicile
d’Al-Idrissi qui est devenue le symbole de cette exposition..
Le
catalogue édité par le British Museum est un outil indispensable qui présente
tous les objets exposés, laissés par ceux qui avaient convoité cette île ;
Phéniciens, Grecs, Romains, Arabes, Normands, Espagnols.. Là aussi, ce beau
catalogue s’ouvre sur la carte de Sicile d’Al-Idrssi. Le texte qui traite de la
période arabe de l’île décrit en détail la préparation et le travail de notre
géographe pour la réalisation de "Nuzhat"
ou le Livre de Roger.
Le British Museum a reçu autour de 7,5 millions
de visiteurs en
2015, soit une moyenne de 20.000 visiteurs chaque jour. Au bout de 5 mois d’exposition, on imagine le nombre de centaines de milliers de visiteurs, venus du monde entier, qui ont défilé devant l’ouvrage d’Al-Idrissi ouvert à la page où se trouve la carte de Sicile.
2015, soit une moyenne de 20.000 visiteurs chaque jour. Au bout de 5 mois d’exposition, on imagine le nombre de centaines de milliers de visiteurs, venus du monde entier, qui ont défilé devant l’ouvrage d’Al-Idrissi ouvert à la page où se trouve la carte de Sicile.
J’aurais voulu que mes compatriotes
soient présents pour voir un de nos savants admiré dans l’un des plus grands
musées du monde et avoir une saine fierté de notre pays. Comme cela n’était pas
possible, une des chaînes marocaines de télévision aurait dû dépêcher une équipe pour faire vivre aux Marocains ces moments
uniques. Malheureusement, il n’y a pas eu un seul mot au Maroc sur cette
exposition et sur la présence époustouflante d’Al-Idrissi à Londres.
Quand on fait la découverte du British Museum et que l'on voit le comportement des décideurs à l'égard des savants marocains, on est édifié et le constat est évident: Il n’y a, malheureusement, aucune motivation et aucune fierté à l’égard du très riche patrimoine scientifique et historique du Maroc.
Heureusement
que les plus grands musées du monde continuent de souligner la contribution des savants marocains dans différents domaines des sciences et de la culture. De ce fait, nos savants marocains mettent notre pays en haut de
l’affiche, sans même que nos ministres concernés le désirent et sans même qu'ils y accordent le moindre intérêt par ignorance et par indifférence.
COMMENTAIRES SUR LA CARTE DE SICILE D'AL-IDRISSI
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1.L’ouvrage d’Al-Idrissi نزهة المشتاق في اختراق الآفاق , Voyage d'un passionné pour explorer l'au delà des horizons a été écrit en 1154, après 17 années de préparation en Sicile, et édité à Rome en 1592. Il en existe quelques très rares copies dont la plus ancienne est conservée par la Bodleian Library à Oxford. Une autre copie est conservée dans la Bibliothèque nationale de France à Paris.
1.L’ouvrage d’Al-Idrissi نزهة المشتاق في اختراق الآفاق , Voyage d'un passionné pour explorer l'au delà des horizons a été écrit en 1154, après 17 années de préparation en Sicile, et édité à Rome en 1592. Il en existe quelques très rares copies dont la plus ancienne est conservée par la Bodleian Library à Oxford. Une autre copie est conservée dans la Bibliothèque nationale de France à Paris.
2.Pourquoi les cartes des géographes arabes et italiens de l'époque médiévale sont-elles orientées Sud-Nord? La carte de
Sicile d'Al-Idrissi, exposée au British Museum, est extraite de la copie d'Oxford. Le texte de présentation de la carte ci-dessus dit: As on most maps from the Arab world, north is at the bottom. Elle est effectivement orientée avec le nord en bas. Les musées, les chercheurs et les universitaires s'interrogent souvent sur le pourquoi de cette présentation inversée. Certains y voient même un mystère ou un ...code caché. L'explication se trouve précisément dans l'orientation donnée par l'astrolabe. C'est assez technique et cela donne le tournis mais il faut bien en finir avec cette question:
Dans la conception de l'astrolabe, il est nécessaire de situer les astres dans le ciel. Pour cela, les Arabes ont introduit dans la trigonométrie une coordonnée qui aide à mieux positionner cet astre; c'est l’angle azimut السمت . Cet angle A, une des
deux coordonnées pour situer une étoile dans le ciel, est calculé à partir de l'axe Sud, comme l'indique la figure. La 2ème coordonnée est l'angle h, hauteur de l'étoile. Coordonnées locales A et h |
ORIENTATION DE L'ASTROLABE.: OUEST A DROITE, EST A GAUCHE |
Cette orientation de l'astrolabe permet de différencier les heures avant-midi et après-midi. Les cartes des géographes arabes et italiens de l'époque médiévale ont été alors orientées comme l'astrolabe. Cette pratique n'a pas été utilisée tout le temps. Profitons des facilités techniques actuelles pour présenter la carte de la Sicile dans le "bon" sens.
Carte de Sicile d"AL-IDRISSIorientée Nord-Sud |
4. Sur le côté gauche de la carte, Al-Idrissi a écrit:
الجزء الثاني من الإقليم الرابع , Section 2 du Climat 4. Al-Idrissi a divisé la carte du monde connu selon les latitudes en 7 régions, appelées Climats, إقليم, en partant de l'équateur vers les pays scandinaves. Dans le sens des longitudes, la carte est divisée en 10 sections, جزء . Le résultat est un quadrillage de 70 cellules dont 68 sont occupées, chacune par une carte portant les numéros de section et de Climat. La carte du Maroc actuel est située sur la section 1 du Climat 3. Celle de la Sicile correspond à la Section 2 du Climat 4, comme je l'indique avec la flèche sur la carte du monde d'Al-Idrissi, suivante :
CARTE DU MONDE D'AL-IDRISSI DU 12ème SIÈCLE, AVEC INDICATION DU MAROC ET DE LA SICILE |
La carte de la Sicile n'est qu'une infime partie de l’œuvre monumentale d'Al-Idrissi, au 12ème siècle. Mais sa présence au British Museum, est une reconnaissance de la contribution de la civilisation arabo-musulmane, au même titre que les autres civilisations et solidaire avec elles, dans le partage des connaissances pour le progrès de l'Humanité.
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Abdelmalek Terkemani
Expert et chercheur